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Billets

déshérence...

Je me rends bien compte que ce blog est en déshérence, et qu'il devient aussi désert que l'Atacama. C'est que je suis confrontée au même problème déontologique que tous ceux qui utilisent cette drôle d'arme à double tranchant que constitue le net : à savoir, la déontologie...

Oh, certes, tant qu'il s'agit de vous et de vos petites histoires, c'est une  préoccupation  du même type que celle qui se joue, tous les jours, avec  votre miroir  : suivant  le souci de l'apparence que vous risquez de  donner de vous-même, (et, en ce qui concerne le net, il s'agit tout de suite d'être sous le regard  d'un nombre important de personnes, pour la plupart de parfaits inconnus et qui le resteront...), vous recourrez plus ou moins lourdement aux artifices du maquillage. Perso, j'ai résolu le problème en tournant carrément le dos au miroir - ce qui ne m'empêchera pas d'être en butte aux accusations spontanées et bienveillantes d'egocentrisme, d'exhibitionnisme, etc.

Tant qu'il s'agit de vous, tout va bien cependant, malgré l'implacable cruauté du web. Mais quand il s'agit des autres...

Le silence ne peut que s'installer peu à peu, car la sincérité atteint ici ses limites. Bien entendu, il ne s'agit de "rien de grave" : mes proches, mes potes, toux ceux que je croise ici ou là, sont tout comme moi installés dans une "normalité" qui exclut le registre de la révélation infâmante. Mais cependant, si l'on ne vit pas chez Disney, et si l'on veut que l'écriture "rende compte" de quelque chose, alors  il faudrait, inévitablement,  parler des tensions, des conflits, des appréciations et des "ressentis du vécu".

Et, de la même manière que mes lèvres sont prudemment scellées sur la partie professionnelle de ma vie, comment pourrais-je mettre en cause le moindre, même le plus légèrement du monde, l'un de mes proches ? je sais trop que la plus petite réticence n'est pas acceptée, que l'opinion négative est ressentie comme une gifle...

Et comment se contenter de dépeindre le rose bonbon de ma vie ? Peut-on seulement imaginer une palette de peintre, sans les gris, les noirs, les lignes du tourment, de l'effroi ou de la déception ?

Et comment se contenter de limiter ma vie à ma seule personne, alors que ce sont bien mes proches, ou mes lointains même, qui me constituent, tout autant que mes lectures, mes rêves, mon passé, mes regrets ou mes envies ?

J'aurais pu raconter sur mon blog des accidents et des ruptures, des soirées et des invitations, des conversations et des confidences,  bref, ce que j'ai vécu avec le parfum de  la Vie des Autres. Des soirées passées à chanter et des réunions familiales. Des nourritures terrestres et des dépenses imprévues, venant grever mon budget. J'aurais pu vous raconter mon dentiste et la fête Brévière, les balades et les soirées d'été,   les attentes déçues, les cris et les reproches, les frustrations et les victoires...

Mais je ne m'en sens vraiment pas le droit. La vie, ma vie, devient trop courte et trop grave pour que je me risque à blesser qui que ce soit, ni à "révéler" quoi que ce soit...

C'est la limite du blog, et je l'ai atteinte.

Alors, quoi ?

Ceci, peut-être :

L'écoute, sur la cinq hier au soir, d'Onfray jugeant Mélenchon. J'aurais pu, avant même qu'Onfray s'exprime, parier sur ce qu'il allait dire : reprocher à Mélenchon son "jacobinisme" - cependant, entendre Onfray déclarer benoîtement "je suis un Girondin" m'a fait le même effet que, jadis, ces communistes repentis qui tentaient néanmoins de se justifier en se déclarant "léniniste, pas staliniste". Ou même "marxiste, mais pas communiste"...

Onfray a beau jeu de se déclarer Girondin, puisque la Gironde n'a jamais exercé le pouvoir dans la durée. Certes, leurs idées étaient sans doute plus généreuses, plus intelligentes, moins destructrices que celles de Robespierre - qui ont débouché sur la Terreur... Mais que seraient-elles devenues ? On sait aujourd'hui que les pogroms, le goulag et autres réjouissantes perspectives se profilaient toutes entières dans le programme de Lénine (qui, simplement, n'avait pas prévu que ce serait le camarade Staline qui allait utiliser toutes ces armes... A son profit...). Que, dans Marx, à côté de la lucidité et de l'intelligence qui présidaient à son décorticage des forces en oeuvre dans l'histoire humaine, il y a en germe l'idée de la nécessité de la domination... Alors, la Gironde, toute belle qu'elle soit...

Mais c'est le tour de passe-passe d'Onfray. Il y a quelques années, c'était Nietzsche qui lui servait ainsi d'auto-justificatif. Onfray est passé du domaine des idées à celui de l'histoire, mais, même si je crois qu'il est plus sincère que ce qu'on dit de lui, c'est nénmoins un boni-menteur !

Autre chose :

J'étais ce samedi à Flamanville, à une manifestation anti-nucléraire. Pluie de grêle à terrifier l'australopithèque lambda, (qui du coup aurait inventé la religion et se serait instantanément mis à genoux), pile poil au moment où la manif s'ébranlait. Mais le zef (et le vent, en Cotentin, est particulièrement efficace) a séché nos vêtements, et au final j'ai passé une excellent journée, avec ce contentement du devoir accompli qui anime l'âme militante...

Flamanville 1

 

Pendant la marche, je me souvenais de toutes les manifestations anti-nucléraires auxquelles, depuis 40 ans, j'ai participé...

 

Flamanville 3

 

En fait, je suis arrivée à l'écologie par des chemins différents de ceux de Clopin. Ce dernier a été tout de suite sensible aux argumentaires écolos, à la candidature de Dumont et à la mouvance issue du Larzac, de Lanza del Vasto en passant par Pierre Rabhi.

Moi, j'ai été antinucléaire parce que libertaire. Et libertaire parce qu'ayant reçu, cooptée par des profs trostkystes de mon lycée, des cours d'éducation politique  - histoire de la révolution française certes mais aussi la révolution russe, les différentes pensées du 19è siècle, les mouvements ouvriers, l'histoire du syndicalisme et les répressions sociales, Rosa Luxembourg et Proudhon... Avec l'intransigeance des très jeunes gens, seul le jusqu'auboutisme anarchiste me semblait représenter l'espoir et la suele pensée intelligente  à appliquer. Autogestion et fédéralisme, féminisme et révolution, quoi ... Et du coup, la société nucléaire, fortement étatisée, se dressant sur le silence et la nécessité d'un ordre policé, me paraissait le signe même de cet hexagone exécré...

Je me surprends aujourd'hui à apprécier de payer des impôts, à considérer que la tutelle de l'Etat est la seule garante des droits fondamentaux et la seule  capable de protéger l'lintérêt général des intérêts particuliers, bref, je ferais frémir d'horreur la libertaire que j'étais... Mais quand j'entends les profondes désillusions du Clopinou (qui comprend peu à peu les rouages, notamment économiques, du monde moderne et qui en ressort accablé, malgré ses 20 ans...) je préfère encore avoir eu le panache de rêver d'un monde autre à 20 ans, plutôt que d'avoir tout compris tout de suite...

Voilà ce que je peux encore écrire sur ce blog. Et puis  vous parler de nos animaux, bien sûr : eux, jamais, ne m'en voudront d'une parole maladroite. Ils sont trop bien pour ça...

 

 

l'expression "s'en vouloir à mort"...

J'ouvre France Mu, comme ça, parce que je suis en train de passer la wassingue et autant le faire en se faisant le moins chier possible, pas vrai ?

 

J'ouvre France Mu, parce que depuis que j'ai quitté Jim, si je veux écouter de la musique ben faut que je la mette, la musique en question, et france mu est plus pratique que de fouiller dans le tas (en désordre) de cd, vieilles cassettes, voire vieux 33 tours, bandes enregistrées et tutti quanti.

Pendant les quelques 10 ans passés avec Jim , je n'avais nul besoin de m'en préoccuper :  environ 20 heures sur 24 (hors boulot obligatoire, corvées diverses et accueil des copains), c'était Jim qui s'en occupait. Disons même que c'était quasiment son occupation favorite...

 

(un peu de la même manière qu'aujourd'hui, il ne me viendrait pas  à l'idée de prendre des photos, vu que Clopin s'en charge à même proportion...)

 

J'ouvre France Musique, et tout le passé me saute à la gueule : voici une interprétation de Texier/Lokwood sur "jazz urbain", de l'album "à cordes et à cris"...

 

Je revois Jim me demandant (il me consultait rarement, sauf quand il croyait que ce qu'il donnait à entendre pouvait éventuellement me plaire...) ce que je pensais de ce morceau-là.

 

Et moi, comme une conne, laissant tomber : "trop long".

 

Trop long.

 

Bon sang, comment peut-on être sourde à ce point ?

 

Je pourrais m'en vouloir à mort, rétrospectivement, mais vu l'état de Jim; je vais faire comme Bartleby. Préférer que non...

https://youtu.be/CiS5JdE0c84

 

allez hop ! En selle !

Ma lamentable incapacité à produire le plus petit et le plus mal foutu des haïku, le plus humble et timide soit-il, démontrée amplement par un échec oulipien dont il faut que je me relève,  ne révèle pas seulement un orgueil mal placé : c'est devenu une sorte de combat entre mon inconscient et moi.

Car mon insconscient est anti-nippon, je dois bien le constater  : ce petit salopard a dressé, entre le Japon et moi, une sorte de barrage contre le pacifisme, aurait dit Duras. En vrai, ce que je reproche au Japon, c'est d'être japonais, et ce n'est pas ma récente défaite qui va éclaircir le pourquoi du comment...

 

J'ai donc décidé de contrattaquer, et pour  pousser à la tâche la couenne de mon  surmoi, je déclare officiellement que j'officierai ici même, dès demain, dans le genre poétique.

Poétique français, évidemment, je ne suis pas masochiste à ce point

 

Mais poétique tout de même.

 

le challenge, ce serait  donc de caser des cerisiers en fleurs...

Mais je sens que je vais m'autoriser les pommiers, tiens, d'abord...

 

à demain, nom de dlà, je remonte en selle et taïaut !

 

Crevée...

Ca n'a l'air de rien, une ligne de flottaison, m'enfin : il y faut de la rame, quelquefois !

 

Crevee

Je dis ça, je dis rien....

Bon, ben j'en ai ras l'bol d'entendre comparer les jihadistes suicidaires qui viennent jusque dans nos bras (recouverts d'ambre solaire indice 50) égorger nos fils et nos compagnes, de "fous" ou de "nazis islamistes". 

Ils ne sont pas fous : cf. l'excellent article dans Charlie Hebdo de cette semaine, qui revient sur la définition exacte de l'acte criminel exécuté par soumission à l'autorité... Il y a une logique dans Daech, faudrait peut-être arriver à l'admettre...

Et quant au qualificatif de "nazis", qui certes déniaient l'humanité à leurs cibles (ce qui est bien commode quand il s'agit de génocider à tour de bras), mais qui ne se mettaient pas eux-même directement en cause, je trouve qu'il est impropre : je préfèrerais  comparer les jihadistes aux kamikazes japonais de la seconde guerre mondiale.

 

Vous me direz que le kamikaze avait plutôt tendance à faire péter la gueule aux marins d'un porte-avions, aux soldats d'un camp militaire, bref, à des personnes militarisées plutôt qu'à n'importe quel pékin occidental (je dis "pékin" pour faire ressortir le côté nippon du kamikaze, bien entendu).

 

Certes, mais Hiro-Hito "en avait sous la pédale", question identité nationale, valorisation des valeurs guerrières, arsenal militaire, base terrestre solide, empire dûment constaté, croyances divines et obéissance aveugle. Daech n'en est encore qu'à ses débuts, alors il fait un peu dans l'amateur, encore. Mais vous verrez qu'après quinze ans de "vrai" état islamique, le "vrai" jihadiste sera certes récompensé d'avoir égorgé un cureton, une rédaction de journalistes, des passants qui passent, des voyageurs déjà pris en otage par les grévistes dans une gare ou des amateurs de (mauvaise, m'enfin bon) musique mais on chipotera "oui, c'est bien, m'enfin, peut mieux faire"  : se faire péter la gueule en faisant exploser une centrale nucléaire, par exemple,  voilà ce qui se rapprochera le plus  le jihadiste contemporain du bon vieux kamikaze...

 

Une fois  avoir pensé à tout ça je m'en suis allée  faire un tour sur wikipédia, histoire de me renseigner. 17 000... Il y avait 17 000 bonshommes qui étaient engagés, dans l'armée japonaise, dans des unités kamikazes, c'est-à-dire ayant accepté l'idée du suicide, pendant la dernière guerre mondiale

 

Sur ces 17 000, 5 000 ont été "vraiment" kamikazes, c'est-à-dire, avec plus ou moins de réussite, se sont vraiment suicidés en causant la mort de l'ennemi.

 

5 000.

Si on se dit, que, grosso modo, daech arrivera un jour  à recruter via le pôle emploi de là-bas la même proportion de gars, et que seule  une petite vingtaine  d'entre eux sont venus s'égailler ici dans le but volontaire de se buter (certes, ils sont arrivés à faire annuler la braderie de Lille, ce porte-avions de la civilisation occidentale, m'enfin on peut toujours faire mieux les gars, il reste du boulot, allez, hop, hop, hop), ça nous en laisserait 4 480 à se coltiner...

 

je dis ça, je dis rien.

 

 

l'appel à tartes : 8 et fin.

L’appel à tartes (8) : pratiquer le jeté d’éponge.

 

Avec son accent anglais prononcé qui augmentait encore la bonhomie du personnage,  M. Monk (non ! Je ne parlerai pas à sa tête ni à aucune autre partie de son corps, même à la récré !)  nous donna ses consignes oulipiennes, d’une simplicité enfantine.

Il s’agissait d’écrire un Haïku, au beau milieu d’une page. On allait commencer par ça, et on verrait après.

Tout le monde connaissait-il les haïkus ? Oui, n’est-ce pas ? C’était court, japonais, ça mélangeait les plans du rapport au monde, et il suffisait surtout  de respecter le fameux  rythme des trois vers :

5

7

5

Mais ce ne serait pas très grave, même  si ça dérapait un peu, parce que le but du jeu allait être, in fine, de mélanger les haïkus produits les uns après les autres, façon shaker, pour goûter la saveur collective et légèrement exotique qui allait en sortir.

Le soupir de contentement qui s’échappa des diverses poitrines, de divers formats,  situées autour de moi fut unanime, ainsi que la détente provoquée par l’accessibilité de l’animateur, parlant à toutes, demandant les prénoms, et prodiguant conseils et encouragements…

 

Et toutes se mirent avec ardeur au travail, se permettant même quelques plaisanteries… Des journées pareilles, clôturées comme le voulait la tradition, en début de soirée,  par un apéro-spectacle (nos animateurs se mettant scène deux par deux voire tous à la fois, comme le  jeudi soir, pour des séances hilarantes façon « papous dans la tête »),  réalisaient enfin les promesses du menu qui m’avait amenée jusqu’ici,  m’asseoir à cette table.

 

Sauf que j’en sortis, sans rire, les larmes aux yeux.

 

Oh, pour une fois, ce n’était pas le froid glacial de l'animateur, ni  un « bon conseil » donné par une personne à qui je n’en demandais pas, ni même une phrase de rejet, ni même un haussement d’épaules qui m’empêchait de partager la liesse collective.

 

C’était le haïku.

 

Moi qui, par plaisir, griffonne parfois sonnets et madrigaux, et qui peut produire des alexandrins comme une poule de Gournay pond des œufs (elles sont réputées pour ça), j’ai un sérieux, mais alors, un  sérieux, hein, vraiment très sérieux problème avec les haïkus.

 

Et pourtant ! La « musique de l’impair » verlainienne m’est familière… Et mon surnom l’indique : mes quelques problèmes pédestres, sur cette terre, me permettent, surtout dans les escaliers, de claudiquer à tous les rythmes imaginables.

 

On aurait pu donc croire que, pour écrire un « simple » haïku, il me suffirait de monter ou descendre, en imagination, un escalier tournoyant sur lui-même : cinq marches, une pause, sept marches, une pause, cinq marches, le palier.

 

Eh bien cela m’était tout simplement impossible.

Sans rire.

Pendant que mes camarades, impatientées, me regardaient biffer des feuilles entières de débuts de phrases, et prenaient très certainement mes difficultés  (qui retardaient, une fois de plus, « tout le monde » ) pour une nouvelle démonstration de singularité voulue, vaniteuse et imbécile, pendant que l’animateur me soufflait qu’il me suffisait de prendre des mots, sans trop me soucier ni du sens ni de l’effet, qu’il fallait que j’oublie tout ce que pouvait comporter, comme sens plus ou moins sublimés, le concept même du haïku, bref, que je n’avais qu’à faire n’importe quoi et que ça irait très bien comme ça, je soufflais comme une baleine, croisais et décroisais les doigts, tambourinais sur la table pour compter mes pieds, et finissais par tout raturer.

 

J’en appelai à la Fontaine, que je tiens pour le maître absolu de l’aisance rythmique  :

 

« La Cigale, ayant chanté » ( youpi !!! 7, indiscutablement !!!)

« tout l’été » (noooon… 3, seulement 3 !!! )

 

Je pensais simultanément à quatre, six, huit  phrases à la fois,  je tentai de me dépêcher, mais le verdict tomba  aussi verticalement que la lame du bon docteur Guillotin sur les vers d’André Chénier.

 

Je n’étais capable que d’écrire des bouts de phrases de quatre, six, huit pieds, ou autre, mais aucun de cinq, ni encore  moins de sept.

 

 Point final (3). Impossibilité absolue (9). J’ai envie de vomir (6).

 

« On « me conseilla (toujours sans que j’eus sollicité quoique ce soit), de faire des alexandrins et d’en prélever des bouts : mais j’étais devenue trop paniquée pour ça, et retournais à mon pitoyable résultat :

 

« Trop difficile (5, et encore, avec l’indulgence du jury,  si on veut bien quoi)

Je n’aime pas le Japon

Ni non plus souffrir »

 

Il fallut bien s’en contenter, et je passais le reste  de la matinée à faire semblant de participer, tout en me  demandant  ce qui avait bien pu m’arriver.

 

Certes, je ne suis pas foutue de manier des baguettes pour manger mes nouilles yakisoba  à la sauce au gingembre, je ne raffole pas non plus des sushis, ni  d’ailleurs de la civilisation japonaise, en gros, et en particulier sa constante  propension à construire des centrales nucléaires sur des zones sismiques. Je reste si froide devant un jardin zen que j’en viens à réclamer une petite laine, n’ai vraiment aimé, du mont Fuji, que la scène de « lost in translation » où il est transformé en trou de golf, et je n’ai aucun goût pour les films de Takahata ou Yamazaki,  sans compter mon impatience devant les moindres mangas, qui me font le même effet que les poupées de porcelaine aux yeux vides asseyant leurs rubans au-dessus des téléviseurs d’antan.

Mais de là à être infoutue d’aligner cinq mots, puis sept, puis cinq…

 

A la pause déjeuner, je croisai devant le marchand de sandwichs notre animateur Ian Monk, à qui je tentai  de décrire  l’effet terrible et destructeur  que mon impuissance à écrire le moindre haïku  causait à mon ego. Il eut envie de me tapoter sur l’épaule, je le vis bien, fut plein de gentillesse à mon égard,  et me conseilla simplement  de « ne pas trop intellectualiser tout ça ».

 

On voyait bien qu’il ne faisait pas partie du groupe d’Hervé Le Tellier, tiens…

 

 

 Je me suis résignée  et ai  terminé comme j’ai pu, une semaine aussi décevante qu’inutile. Aussitôt le dernier texte écrit pour le « roman collectif » (je ne voulais quand même  pas partir en laissant le travail collectif « en plan »), je me suis levée et suis partie, sans vouloir « profiter » du repas du soir et de la grande soirée de restitution des chefs d’œuvre de la semaine, que toutes attendaient pourtant avidement… La seule question  qu’on posa, à ma sortie, ne fut pas pour s’inquiéter de mon départ ou de ses motifs, ni même pour me souhaiter un bon retour, mais fut : « mais qui donc allait lire mon texte (de cinq lignes…) le soir ? ». 

 

C’était leur seul souci… Je répondis « n’importe qui fera l’affaire », et sortis donc  sans dire « au revoir »… Il est vrai, dieu me pardonne, que personne ne m’avait dit « bonjour ».

 

Voici ma triste histoire finie. Pas tout-à-fait, cependant.  Mon mail figure dans la liste d’adresses du « groupe », j’ai donc (pour combien de temps ?) accès aux échanges post-formation… J’ai donc appris par ce biais, sans que quiconque m’en avertisse autrement que par omission, que le groupe avait décidé de n’utiliser aucun de mes textes pondus pendant la semaine.

 

 

C’est un nouveau jeu oulipien, supposé-je : le lipogramme en correction,  bienveillance et chaleur humaine…

 

FIN

 

PS :

 

Hervé Le Tellier a aussi présenté, le soir de son « show », un numéro basé sur les homonymies d »André Breton » : le « mur » de l’appartement du poète rapproché des « murs » sur facebook, où des inconnus postent leurs photos de vacances. C’était plutôt féroce pour le poète, mais surtout très cruel pour les malheureux « André Breton » qui étaient ainsi ridiculisés : je n’ai même pas souri. Par contre, affublé d’un égouttoir à nouilles et d’un tuyau d’aspirateur sur la tête, le même Le Tellier a tenu sa place dans une parodie hilarante, façon Monthy Python, qui célébrait les morts conjointes de Shakespeare et Cervantès, où le loufoque le disputait à la drôlerie. J'aurais donc goûté au moins cela, mais ma voisine m’apprit, d'une petite voix savourant sa satisfaction "d'en être",  que l’auteur de la pochade, Olivier Salon, était avec Le Tellier considéré comme le « must du must », la "crème",  du club très fermé des oulipiens, « loin devant les autres ».

 

Bon sang.

 

Même entre eux, c’était donc la compèt ? Peut-être était-ce pour cela que je n’avais pas trouvé ma place, et sans doute vraiment "dérangé le monde ": je n’aime pas non plus les compétitions : comme une tendance à jeter l'éponge...

L'appel à Tartes (7) : l"X" dans les équations oulipiennes...

Le récit vengeur que j'ai commis ici, fraîchement revenue, visait bien entendu à me réparer. Je vais le finir, mais  j'en demande d'avance pardon  (sait-on jamais !).

 Car je ne voudrais pas que quelqu'une que j'aurais croisée,  là-bas, en ressorte  froissée, ici.

  Sauf "X", bien entendu ; dans son genre, "X"  a en effet  atteint des sommets.

 Le "couloir" me l'a appris dès le premier jour :  "X"  était  " la maîtresse de Y", (je n'ai pas bien compris qui était "Y"" , et en plus je m'en foutais royalement, m'enfin on ne pouvait échapper à cette information, semblait-il ). Cela lui permettait  d'avoir pour le coup une attitude royalement conquérante et irradiant la confiance en soi (malgré une nervosité certaine, une beauté déjà bien attaquée par l'âge et une sorte de  fausse réserve   -comme si elle avait eu envie de rompre un incognito subi malgré elle -  tout en allant fumer clope sur clope à la fenêtre, ).

 Ce statut particulier semblait   lui  accorder quelques privilèges :  arriver avec deux heures de retard,  sans même s'excuser,  s'asseoir pour débiter son texte, échappant ainsi à celui des  onze autres produits la veille , dont nous écoutions patiemment le rendu oral depuis le début de la matinée,    distribuer  conseils et avis en faisant bien sentir qu'ils étaient "autorisés" et donc "indiscutables",   et enfin  bien spécifier à l'organisatrice  venue relever les noms des participants au banquet  final, "qu'elle, elle  ne faisait pas partie des stagiaires, n'est-ce pas, mais de "l'équipe" des organisateurs, 'invités d'honneur et personnalités".

Ben voyons.

Nos rapports furent évidents de suite : elle eut envie de me gifler aux premiers et derniers mots échangés.

Qu'aurions pu nous dire, d'ailleurs, puisqu'ellle  trouvait, elle, "absolument génial qu'il n'y ait eu aucun tour de table ni aucune espèce de dynamique de groupe mis en place : au contraire, la création littéraire des textes écrits en commun serait  ainsi sublimée par notre absence d'esprit de groupe, car nous n'étions pas là pour nous aimer, mais bien pour acquérir des techniques qui allaient nous permettre d'approcher la  génie  littéraire dans ce qu'il  avait de plus fondamental. "... Elle  approuva bien évdemment  sans réserve (voire en le suggérant)   le choix final  du texte "écrit en commun", clou de la semaine qui devait être enfoncé devant l'ensemble des participants pendant la dernière soirée,  et qui   fut évidemment à l'opposé de mon goût personnel.

Je reconnais que peu de gens y sont arrivés,  mais  "X" me fit taire :  j'atteignais, avec elle, un tel niveau de non-communication que seul le silence pouvait permettre notre coexistence dans la même pièce, et j'eus la sagesse de m'y tenir...

 Mais ce serait évidemment mentir que de brosser ainsi le portrait de toutes les participantes. En réalité, nombre d'entre elles étaient des  femmes empathiques, intelligentes et cultivées,  plutôt fines et aux remarques frappées du bon sens. Je me souviens du  sourire réconfortant de l'une d'elles (la seule, d'ailleurs, qui  me tendit la main à mon départ...)  : j'avais tenté d'expliquer mon malaise, elle m'avait écoutée (vraiment, pas comme d'autres dont la conviction d'être au nirvana bouchait les oreilles pire que le cérumen )   et crue - mais m'avait répliqué, avec justesse, que le manque de convivialité  que j'éprouvais  au sein du "groupe" provenait peut-être aussi de ma propre attitude  : pourquoi  faire l'effort d'aller parler à  quelqu'un  à la mine renfrognée et à la nette tendance à l'isolement ?

C'était parfaitement juste. Or, si j'ai beaucoup de défauts, j'ai au moins une qualité : quand on me met le nez dans ma merde, j'admets qu'elle sent mauvais. 

Après tout, je n'avais pas à juger l'attitude de Le Tellier, et à balancer si sa froideur provenait de la timidité, de l'arrogance, ou d'une réserve pédagogique visant à l'égalitarisme en vigueur dans nos écoles républicaines.  Certes, son stage était si scolaire  que, dès le second jour, j'en étais venue à lever le doigt pour poser une question, et j'avais spatialement dégringolé du premier rang (près du maître) à la toute dernière place, la plus éloignée (au bout de la pièce) ; certes, ostensiblement, ma plus proche voisine avait changé de place. Certes  enfin , j'avais l'impression que nos "créations littéraires fondamentales"  nous valaient un bon 12,  et que s'il n'y avait pas de quoi rougir, il n'avait pas non plus à pavoiser...

M'enfin, si ça ne lui posait pas de problèmes, à Le Tellier,  et s'il était aimé ainsi, de quoi donc me mêlé-je ?  Le malaise pouvait provenir  de ma personnalité rebutante... C'était elle qui me valait cette froideur et ces avanies...

Bref, en un éclair de lucidité, je me suis dit :

"Mais c'est bien sûr ! Michel Houellebecq, c'est moi !"

Je sentis aussitôt que cette formule n'aurait pas grand avenir, et surtout qu'elle ne m'aiderait pas à passer la semaine. Heureusement, les coups de fil quotidiens de Clopin, qui insistait pour que j'insiste, m'aidèrent à tenir le coup.

Eux, et une 'intervention chaleureuse et débonnaire, qui seule, je crois bien, aurait pu me servir de bouée, ustensile devenu si  nécessaire à ma ligne de flottaison, totalement défaillante  : Yan Monk (officiellement chargé des "débutants"),  oulipien patenté,   vint s'occuper de notre "groupe" pendant une matinée.

La veille, on avait entendu, à travers les cloisons, de longues rafales de rires provenant de la séance qu'il animait, qui rendaient encore plus assourdissant, par constraste, le terne silence qui entourait nos travaux appliqués.

Dès que Yan, avec bonhomie, entra dans notre salle, il apporta une chaleur que j'avais crue incompatible avec l'esprit oulipien. Non seulement il remarqua d'emblée que la disposition des tables n'était guère conviviale, et nous la fit changer (mais "X", dès le lendemain,  rétablit celle d'origine, et sur une question demandant pourquoi on changeait à nouveau , elle eut ces mots sublimes "J'ai  décidé unilatéralement de rétablir la disposition de départ, car sinon je manque de place" (*) , réplique qui vous montre à quel point ma résolution de garder le silence avec elle était héroïque, en vrai), mais il tint à nous rassurer d'emblée sur  les consignes, dont le respect pouvait être relatif,  sur  la valeur de notre travail, qui n'avait aucune importance, et nous recommanda surtout de prendre du plaisir...

J'étais sauvée.

L'étais-je vraiment ? 

 

(suite encore plus pathétique à plus tard, mais j'ai des bagages à défaire, alors...)

 

(*) : totalement authentique.Hélas.

 

 

 

Mon histoire n'est pas finie MAIS

Partie une semaine à Montpellier,  me voici instllée dans un superbe appartement non installé, lui, qui complique tout, et surtout  la frape et la mise en ligne de la fin de mes désopilantes aventures oulipiennes. Je verrai demai si je peux trouver un endroit où il soit possible de taper autrement qu'à genoux, mais pour ce soir : au lit ! Poh ! 

L'appel à Tartes (6)

Tarte N°6, dite « et pour cela préfère l’impair »

Bien entendu, j’ai accumulé un tel nombre de gaffes, pendant cette semaine oulipienne, qu’il faudrait un souffle un peu plus puissant que le mien pour  en dresser l’inventaire  avec exactitude.

Je  vais vous en citer cependant quelques unes,  histoire de me déculpabiliser un tantinet  :

  • A l’annonce des résultats, je veux dire quand j’ai appris que je rejoignais, (ô surprise), l’atelier animé par Hervé Le Tellier, j’ai interpellé ce dernier dans la cour de l’école. D’un ton léger (enfin, d’un ton léger dans ma tête, toute encore imprégnée des facéties Le Telliériennes en matière de courrier à François Mitterrand), je l’ai abordé en ces termes : , « Dites, Monsieur Le Tellier, je voulais vous dire « merci », car c’est grâce à vous si je suis ici… » Et puis j’ai voulu faire ma maline, et  j’ai ajouté d’un ton plaisant, cherchant la complicité quoi, (le tout toujours dans ma tête, évidemment)  : « mais vous savez,  je suis difficilement soluble dans le collectif, alors  en cas d’échec,  je vous en tiendrais responsable…. »

Le Tellier (qui sifflait son gobelet de café sans daigner même regarder celle qui lui adressait ainsi la parole), me répondit, impeccablement imperturbable : « Bien entendu ». Et il me tourna le dos. Aussi sec.

Gloups.

  • La pause de midi me troubla encore plus, car personne ne sembla s’occuper de personne. En pareille occurrence, généralement, l’animateur dit quelques mots sur les modalités pratiques des repas,  se joint souvent au groupe et en profite pour faire faire connaissance aux uns et aux autres. Là, pfffouuu…  Tous les oiseaux s’envolèrent d’un coup, laissant quelques isolées, qui avaient le seul tort de venir pour la première fois,  mâcher solitairement leurs sandwichs touristiques. Dont moi, évidemment.

Re-gloups.

  • Mais là où je compris que j’allais vraiment être exclue de cette Cène où, de part et d’autre du Christ-Oulipien,  12  disciples s’agitaient, ce fut quand on m’expliqua qu’il était fort mal venu, de ma part, de râler contre le prix à mes yeux excessif  de la bouteille d’eau vendue, non dans une épicerie qui n’existait pas dans ce centre ville touristique, mais dans une « paneterie » : d’abord, « ce n’était pas si cher que cela », estima-t-on ( eh oui, tout est relatif, même la pauvreté). Enfin, une bonbonne était à disposition de toutes,  dans la salle. Ne l’avais-je pas vue ?
  • Beh non, je n’avais pas vu la grosse bonbonne, et je commençais à  comprendre qu’en plus du strict règlement intérieur du Jockey Club de l’Oulipo, il y avait, dans les ateliers ouverts au vulgum pecus, un règlement non écrit mais qui classait les participantes entre « celles qui en étaient » et « celles qui n’en étaient pas ».

Re-re-gloups : je vous laisse deviner  quel camp était le mien.

 Je n’avais cependant pendant encore pris bien  conscience que toutes ces gaffes étaient de  ma faute,  de ma très grande faute, comme de ne pas savoir où étaient ces p… de toilettes particulièrement bien cachées et non signalées, dans l’immense bâtiment harmonieux mais négligé où des restes de l’année scolaire, grands cartons, toiles bâchées, trainaient encore un peu partout.

 Je les cherchais longtemps, ces toilettes, n’osant pas interrompre les groupes de travail par une question intempestive, et pourtant il était urgent que je libère ma vessie, mais disons qu’à ce stade  mon méat  ne culpait pas encore, enfin, pas trop.

Mais ça allait changer très vite, et j’allais m’apercevoir que j’avais définitivement tiré la « boule noire » du blackboulage qui allait être mon lot.

  • J’avais en effet  cru que les ateliers oulipiens,   certes adaptés à un « grand public » moins érudit et moins  spécialisé que les écrivains « officiels », mais néanmoins pourvu des références nécessaires,  avaient comme but de nous distraire, voire même de nous instruire en nous amusant, comme chez ce cher Rabelais.

Qu’on était là pour rire, quoi, comme on rit en écoutant les Papous de Françoise Treussard…

Je croyais même , simplette que j’’étais, qu’on allait jouer à des jeux papous :  le délicieux et terrible diagnostic à l’aveugle, le « pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué », le « +7 », les lipogrammes en « w « (les seuls à ma portée…),  les « experts contre faussaires », les fables revisitées, bref, tout ce qui m’ enchantait auditivement, pendant que je dégustais  mes poulets dominicaux.  Tout ce  à quoi j’ai joué avec le pauvre Jim,  pendant tant d’années, pendant qu’il me faisait écouter  Satie et qu’il comparait  l’humour de Perec à celui de Carroll… (nostalgie !)  

Or, toutes les filles  étaient formelles, et même le prof   le préposé Oulipien.

Ici, on  ALLAIT TRAVAILLER,  NON MAIS.

Il ne s’agissait pas de batifoler, mais bien d’acquérir très sérieusement les rudiments des techniques que  les grands ancêtres vénérés avaient utilisés  pour bâtir leurs chefs d’œuvre. 

Ou, pour employer une autre image, il ne s’agissait pas de faire tourner, comme le petit Marcel sur les Champs-Elysées, la roue de l’Homme de Vitruve de Léonard sur elle-même,  à l’aide d’une baguette pour voir combien de temps elle tournerait avant de se casser la gueule. Il s’agissait plutôt, armé de règles, de compas et d’équerres mentales,  de calculer les angles qui servaient au contraire à la faire  tenir debout…

Nuance.

L’atelier tout entier se déroulerait, journée après journée, en deux phases : un, chacun de nous écrirait un texte respectant des consignes et les contraintes formulées par le maître, le prof,  euh, l’animateur-écrivain de l’atelier, même si ça devait durer 6 heures d'affilée,

Deux , chacun de nous lirait son Oeuvre à toutes les autres, réunies dans la concentration d’une audition respectueuse, pendant disons une heure et demie-deux heures.

Ce programme  n’était encore rien.

Le travail étant du coup « difficile », on nous demandait de la concentration, de l’humilité et, si possible, le « moins de bruit possible ».

Je vous  jure ; quand j’ai appris ça, une fourmi commença à parcourir doucement mes orteils, puis mes chevilles, remonta vers mes genoux, traversa rapidement ma région pelvienne, explora mon ventre rebondi, dédaigna mon soutien-gorge et s’implanta directement dans ma gorge, où elle se ficha droit, empoisonnée telle une pointe  sarbacanée par un arumbayien tintinophile.

 Car bibi,  j’étais venue en VACANCES.

 D’ailleurs, je suis  formelle : toutes les affiches, tracts, flyers annonces sur facebook et autres précisaient que  la manifestation oulipienne s’appelait :

«  RECREATIONS »

(vous pouvez vérifier, je vous en prie)

Récréations ! Mon cul sur la commode, oui…

Et c’est alors que je me rendis compte que :

  •   D’abord, il avait fallu attendre onze heures pour que quelqu’un propose qu’on affiche nos prénoms, et je n’avais pas pu les lire, vu la disposition malcommode des tables. Je ne savais donc pas du tout avec qui j’étais, d’autant qu’il n’y avait même pas eu le traditionnel  « tour de table »  où chacune, en  trois phrases,  se nomme, dit de quelle  région elle  vient et pourquoi, en trois mots, elle est là, si c’est la première fois ou non, etc.
  • Ensuite, l’annonce du programme, à savoir qu’on allait TRAVAILLER  et ACQUERIR  DES TECHNIQUES que chacune, à sa guise, pourrait ensuite exploiter avec le brio qui serait le sien, n’avait semblé  épouvanter personne,  sauf moi. Toutes mes compagnes, sauf une ou deux (dont je reparlerai), semblaient  aussi volontaires pour ce programme épouvantable  qu’un groupe de scouts de France embarquant pour une petite croisière au large des côtes bretonnes, sous l’égide de leur berger spirituel préféré (quoique rude). Le vent, résolument positif, fouettait les visages et élargissait les sourires…

 

  •  Ces deux circonstances mises en parallèle me firent d’un seul coup comprendre l’évidence.  En fait, mes compagnes  entassées autour de cette maudite table de cours, trop longue et trop étroite, qui  empêchait toute convivialité, JE LES RECONNAISSAIS.

 

 Comment avais-je pu les oublier ?

Certes, elles avaient un peu changé, étaient plus souriantes que dans mon souvenir, d’un abord ma foi un peu  plus plaisant qu’autrefois.

Mais c’étaient bien elles : c’étaient toutes mes anciennes professeures de mathématiques, d’anglais, d’histoire-géographique ou d’économie, enfin, toutes celles dont j’avais eu tellement la trouille : ils n’y avaient qu’elles qui pouvaient ainsi se pourlécher d’avance à l’annonce d’un programme aussi laborieux.

Mon intuition se confirma très vite, dès que j’ouvris la bouche malgré l’interdiction. (ça aussi, c’était du vécu).

 

Quand j’ai  demandé  au prof quelques explications supplémentaires  sur l’énoncé du problème qu’il nous exposait, ma voisine de face m’informa  en effet, assez sèchement, que «  poser de telles questions, c’était bien, m’enfin que ça enlevait du temps à tout le monde, ça dérangeait quoi,  et que je n’avais qu’à faire comme les autres, ce n’était pas si difficile à comprendre,  tout de  même » 

C’était elle !  

 Le  ton de la  voix, la légère commisération de la phrase, la sûreté du  jugement sur moi, l’assurance du  bon droit avec lequel  elle allait me coller un 2/20,  la condescendance  consciente de l’évidence du service rendu  en me remettant à ma place « pour mon bien » : c’était bien Madame  Grangier, ma prof de maths de la quatrième 4è 3 de 1969 (ou bien c’était sa descendante directe, enfin quelqu’un qui partageait visiblement le même ADN) . Et elle était là avec toute l’ancienne salle des profs…

 

Donc, en résumé et à quelques exceptions près,  j’allais consacrer  ma semaine de « vacances » à « travailler »  avec  les descendantes directes de celles qui avaient marqué,   au fer rouge de l’ennui,  les heures les plus longues et les plus pénibles de ma vie scolaire…

 

« RECREATIONS  »

!!!

Douze culs, au moins, sur la commode, oui.

 

(la suite moins indignée mais tout aussi désastreuse, voire plus, demain.)   

L'appel à tartes (5)

Tarte N° 5, dite « comment creuser soi-même sa propre tombe ».

 

J’étais assez curieuse de savoir comment  l’organisation en  chef allait répartir  les quelques 70 participantes,  (les mecs présents étaient si peu nombreux que  j’ai audacieusement  décidé de surseoir, ici,  à la règle du masculin l’emportant sur le féminin, qu'il faudra quand même songer un jour à abolir de la Constitution)  dans  les six ateliers proposés.  

Cette répartition fut assez honnêtement menée, disons assez « impartialement » :  après avoir écouté l’énoncé, par  les  six écrivains oulipiens , des thèmes des ateliers que chacun d'enre eux proposait, il nous fallait en choisir  3 ,  et les hiérarchiser, du plus convoité au pis-aller, sur un petit papier carré distribué à cet effet à chacune d’entre nous, et dont les sommités s'empareraient par la suite pour organiser le tout.   

Mon choix numéro 1 fut  vite fait :  j’étais ici à cause  de mon écoute régulière et dominicale des Papous dans la Tête, et de la formidable rigolade qui  avait suivi ma lecture du  dernier livre (génial)  de Le Tellier :  « Moi et François Mitterrand ».

 Donc, sans même  attendre le  speech de  présentation de son projet,  pendant lequel   Le Tellier nous a  expliqué  sérieusement que son  atelier à lui  allait nous permettre d’acquérir « les règles du roman à contraintes pour  déboucher ensuite  sur une œuvre romanesque collective » , j’inscrivis son nom en « premier choix  façon boucherie", c’est-à-dire  sans hésiter.

 De toute manière, s’il avait proposé, comme thème, «   comment écrire une histoire de Toto que personne n’a jamais encore entendue »,   j’aurais  fait pareil, alors…

Mais une question me taraudait  : si tout le monde  faisait les mêmes choix ,  qu’est-ce qui risquait de se passer, hein ?

Je veux dire que la célébrité agit sur les êtres humains comme les cris des crapauds bufo bufo sur les femelles de leur espèce : ça  les attire !

Alors, prenons pour hypothèse  que,  parmi les auteurs présents, il y ait eu une célébrité surpassant toutes les autres. Michel  Houellebecq, tiens. N’y aurait-il pas eu une ruée vers son atelier à lui ? (même si  son thème  avait été un truc franchement bandant, du genre  « comment participer à un atelier littéraire avec  un bon sujet de rigolade comme la  misère affective de  l’homme contemporain ?» )

Bon, en fait Houellebecq  est un mauvais exemple, parce que, même célébrissime, je suis sûre que mes  voisines auraient hésité, à cause de son côté disons légèrement antipathique (oh ! si peu !) . Elles se seraient finalement rendu compte, ( même en sublimant  la baisse de la libido du public féminin  dont  les  plus grands artistes pâtissent, hélas, quand ils commencent à s’adresser à une certaine génération),,  que « Pablo Martin Sanchez »,   par exemple,  sans être  sacré « meilleur écrivain de sa génération »,   semblait, par rapport à Houellebecq,   disons  plus  détendu, plus  sympathique, plus rigolard et qu’en un mot,  son physique aux beaux yeux catalans  attestait aimablement qu’il était né vers la fin des années 70. Lui.

 Houellebeq n’aurait donc pas  fait le poids. Y’aurait eu trois zombies dans son atelier, (et sans moi, ben tiens), et flop.

 Là, je cherche juste à vous expliquer que, même avec toute l’impartialité et l’égalité humainement possibles, ça  devait  être un tantinet complexe, la composition d'ateliers à peu près équivalents en nombre de participantes, et ceci  en se basant sur des critères censés ne tenir compte   (soi-disant)  de rien d'autre que des thèmes littéraires proposés,  donc  en faisant abstraction, (ben tiens),  de celui qui les proposait, ces thèmes.

Surtout si tout le monde  faisait  comme moi...

Ben ouais. Comme je ne connaissais personne, que l’énoncé des thématiques ne m’évoquait guère que de nébuleuses  théories fort  lointaines de ma galaxie littéraire, et que je n’avais pas envie de m’être tapée 600 kilomètres pour me retrouver  face à un écrivain inconnu à un atelier « poésie »  (pour des raisons strictement personnelles que je me ferais un plaisir de vous raconter à tous et toutes quand ça me prendra) , j’ai  rédigé (sous cette forme)  sur mon carré de papier, afin que nul n’en ignore  :

Choix 1 : atelier d’ Hervé Le Tellier

Choix 2 : les techniques de romans à contraintes d’Hervé Le Tellier

Choix 3 : l’écriture d’un roman collectif avec Hervé Le Tellier.

J’attendis avec confiance le verdict des sommités.  Je trouvais qu’en rédigeant ainsi mes choix, j’avais brouillé astucieusement les pistes. On allait me prendre pour une débile qui n’avait rien compris aux consignes (et encore, ce n’était que le début !) , c’était à peu près sûr, m’enfin  disons  que s’ils faisaient mine de ne pas comprendre dans quel atelier je voulais être affectée, c’est qu’ils y mettraient de la  mauvaise volonté ;   et j’espérais donc avoir ainsi  la chance d’échapper à Ian Monk (pas Thélonius, hein !) , Pablo Martin Sanchez, Eduard Berti, Frédéric Forte ou encore Olivier Salon.  

J’avais eu raison :

Ca a marché. J'ai été affectée, hosannah, à l'atelier littéraire autant qu'Oulipien d'Hervé Le Tellier.

Youpi ?

Hélas !

(suite à demain, à moins qu’un ami d’Hervé Le Tellier, craignant de nouvelles et sensationnelles révélations de ma part, ne supporte plus ma subjectivité pourtant assumée et ne vienne me ficher une baffe. On verra.)

L'appel à Tartes (4)

Tarte n°4,  dite « où l’on passe à table pour les aveux. »

 

Jadis, j’ai vécu  une vie antérieure,  tous comme les Bretons aux Bonnets Rouges :   « sous de vastes portiques », ou pour  préciser encore   « dans un pays lointain » comme disait  Racine cité par Yourcenar, sur Radio France Culture,   dans le générique de l’émission «  Concordances des Temps » du samedi, par Jean-Noël Jeanneney, de 10 heures à 11 heures du matin.   

(cette  dernière phrase que vous venez de lire, ô vous mes quatre  lecteurs curieux et  légèrement inquiets, est censée  en fait vous rassurer sur l’état global de ma culture générale, sans pour autant trop l’étaler, n’est-ce pas…   Car  j’ai bien conscience que les drames divers qui vont se succéder dans mon récit pourraient fort bien être attribués à la faible étendue de cette dite-culture générale, donc je cherche à prendre les devants, et à vous persuader que cette dernière est,  comme la tournure grammaticale dont je viens d’user dans ma dernière proposition, juxtaposée, subordonnée et relative.  En clair, quelqu’un qui écoute (au hasard)  tous les samedis Jean-Noël Jeanneney doit pouvoir, normalement, encaisser le choc d’un atelier oulipien  autant que berruyer...  Disons au moins que je le croyais, et n’oublions pas que le chapitre d’aujourd’hui constitue des aveux. Allez, je poursuis, c’est comme un médicament, c’est difficile à avaler mais après on se sent mieux.)

 

Dans cette vie antérieure, donc, j’administrais une salle de spectacle qui, quoique municipale, invitait souvent des vedettes. J’assistais, depuis les coulisses,  à l’attente du public  avant le commencement des shows,  et, rien qu’à leurs réactions, je pouvais deviner l’état d’esprit  des spectateurs : parfois  « flûté » comme la bouche pincée d’une Guermantes qui sait qu’elle est à l’endroit à la mode,  ou bien « impatient et nerveux  »  comme un fan de Johnny, « curieux et crédule » pour une séance de prestidigitation, et « frémissant d’avance d’un plaisir extatique » , en cas de (re)connaissance d' artistes prestigieux.

 

A Bourges, ce fut ce dernier  frémissement d’aise qui s’empara de la salle  et qui prédomina les réactions des 80 personnes de l’ampli. Je sus donc  d’avance que toutes et tous seraient ravis de ce qui allait se passer, que tous en goûtaient déjà le fumet et le goût, que tous seraient enthousiastes et prêtes à tout….

Sauf moi.

Car ce e fut à ce moment que je commençai à prendre l’exacte mesure de ma tragique situation.

 En effet,  les 6 écrivains  artistes complets qui présentèrent, tour à tour, leurs projets d’ateliers, semblaient tous parfaitement connus de mes voisines (et de mes rares voisins).

Or, je n’en connaissais qu’un, et encore ! Les autres, à savoir Ian Monk, Pablo Martin Sanchez, Eduard Berti, Frédéric Forte, Olivier Salon, m’étaient parfaitement inconnus. Mais alors là, vraiment ignorés, hein.  Rien dans mes fiches.   Que pouic. Pas l’ombre d’une réminiscence, d’un « ah mais c’est vrai, celui-là c’est celui qui… » ; Ni le souvenir d’ une émission, d’une citation, d’un livre acheté quelque part…

Le vide.

Et puis, ce n’était que des hommes qui étaient là, devant ce parterre en grande majorité féminin. Je  souligne  bien « féminin », car j’estime que, même ménopausé, (et la plupart des participantes, à vue d’œil,   avaient passé ce cap ) le  sexe des femmes a de l’’importance. Bref.

 

En tout cas, ce fut la toute  première question naïve que je posais à mes voisines, toujours extatiques : « Il n’y a donc que des hommes, dans les animateurs ? »

On me répondit avec brièveté (car il ne fallait pas perdre le fil du discours de l’orateur qui, en bas, expliquait son projet) que « c’était normal, à l’Oulipo il n’y a pas beaucoup de femmes ».

J’ai continué (non mais, vous avouerez, quelle bécasse !) « Mais enfin, Dominique Muller, Clémentine Mélois, Eva Almassy ??? »

La voisine du rang du dessous se retourna, impatientée, et m’asséna : « Mais ce ne sont pas des oulipiennes ! Ici, on est à l’ OULIPO, voyons… ! »

J’allais continuer mes questions simplettes, mais des « chuuuttt » sonores protestèrent contre mes interventions (c’était la première fois qu’on me rappelait à l’ordre  mais ça n’allait pas, dieu jésus, être la dernière…)

 Je me tus donc, mais je sentis comme une sueur qui me montait au front…

Je croyais savoir ce qu’était l’OULIPO ; et si, le samedi, j’écoutais Jeanneney, le dimanche, je goûtais goulûment les Papous de Françoise Treussard, ce qui faisait, d’ailleurs, que je connaissais (entre autres)  le nom d’Hervé Le Telllier.

 

Mais un gouffre s’ouvrait sous mes pieds : n’aurais-je pas commis comme une confusion, une erreur d’appréciation, un délit d’ignorance, et n’étais-je pas en train de monter, avec la cuillère de ma légèreté coutumière, comme une mayonnaise  qui risquait fort  de tourner, avec la moutarde Le Tellier, le  jaune d’œuf Papou et l’huile Oulipienne ? (et pourtant, moi aussi ménopausée depuis un bail, j’aurais dû ne plus rien risquer du tout…)

 

Et si je m’étais ainsi fourvoyée,  qu’est-ce que ma présence signifiait exactement, ici, puisque, malgré ma bonne volonté tendue à l’extrême (d’ailleurs, ma bouche s’en tordait un peu et mes yeux se plissaient, comme à chaque fois que j’ai le net sentiment de faire une gaffe et que je cherche à l’éviter, ce qui l'aggrave souvent…), je ne partageais visiblement pas l’extatique  qui s’était emparé des gradins ?

Et qu’en plus, HONTE A MOI, HONTE, HONTE, HONTE, je n’avais aucune connaissance des personnalités littéraires avec lesquelles j’étais censée passer une pleine semaine (sans compter que, même sans parler "personnalités",  mes voisines, elles,  m'étaient toutes aussi inconnues, bien qu'elles semblaient se connaître toutes les unes les autres ???)

 

(la suite à demain, parce que pour aujourd’hui les aveux, ça suffit. Je veux donc que Guy Marchand aille, à la demande de Lino Ventura, me chercher un sandwich et une bière, avant de continuer mon récit, en  garde à vue.)

L'appel à Tartes (3)

La tarte N° 3 : la Crème de la crème

 

Une lettre.

 L’organisatrice en chef avait envoyé une lettre à tous les inscrits, elle pouvait le certifier, accompagnée de tous les documents imaginables :  itinéraires divers et variés suivant de là où on venait, places de stationnement repérées par de grosses croix rouges sur des plans se dépliant et se repliant facilement, modes d’emploi des parcmètres municipaux au cas où, photo du buffet organisé à l’arrivée avec déclinaison des choix possibles entre les quatre sortes de thés et les 7 mini-viennoiseries offertes,  suggestion de la  marque recommandée pour les stylos dont nous devions être pourvus, plans des salles où se dérouleraient les ateliers, avec indication des  meilleures places  (celles près des fenêtres),  mention des  lignes vertes qui seraient peintes sur le sol  pour faciliter le repérage des toilettes, emplacements des prises électriques à chaque étage avec précautions d’usage rédigées en 4 langues, et  énumération des  8 numéros de téléphones  portables  qu’on pouvait  appeler en 24/24,  pour chaque incident potentiellement conducteur d’annulations, des plus courants comme la bête panne d’essence aux plus imprévisibles (qu’il convenait pourtant d’envisager), comme les typhons ou les décès subits du premier, second et troisième degré ( il suffirait aux participants d’indiquer le motif de leurs défections, le décès de la vieille tante de province faisant partie, par exemple,  de la troisième catégorie).

Lettre que je n’avais jamais reçue.

Evidemment.

C’est exactement dans ce genre de situations qu’on regrette de ne pas être japonais.

 (ceux qui me connaissent bien pourraient s’étonner de cette déclaration, mais en l’occurrence, c’est exactement ce que j’ai ressenti !)

Car  au Japon, on SAIT. On sait  parfaitement ce qu'il convient de faire en pareil cas.

Ah ! Si seulement  la table qui  nous séparait, l’organisatrice en chef et moi,  n’avait pas été installée à Bourges, mais à Takitomi, préfecture d’Okinawa !

 L’organisatrice en chef,  dans ce cas, devant ma bouche béante et mon air niais qui témoignaient, en ma faveur, de ma sincérité, se serait confondue en excuses hypocrites et m’aurait proposé avec ferveur et sollicitude ses services, pour atténuer  les insupportables désagréments  que l’inqualifiable erreur des services postaux nationaux avait   causés à mon estimable équilibre intérieur….

J’aurais bien évidemment surenchéri : quelle stupidité avait été la mienne, d’envisager un seul instant qu’une personne compétente comme elle eût  pu commettre une seule erreur, alors que toute la faute m’incombait, puisque c’était bien l’incurie coupable des services postaux nationaux qui était en cause, et que j'aurais dû, le subodorant,  filer me renseigner à l'agence postale de mon village  (celle qui, désormais, est ouverte une demi-heure le vendredi matin et entre quinze heures treize et quinze heures vingt-quatre le mardi après-midi) ! Comment avais-je pu être assez indigne pour oublier que  prévoir et organiser  le bien-être requis par une telle manifestation, relevait du savoir-faire de mon interlocutrice,  dont la réputation  était connue de  tous les continents ? Non, non, la faute était entièrement mienne, j’aurais dû me renseigner, et la seule réparation que je pouvais offrir, en signe de repentir sincère et d’admiration, à mon interlocutrice, serait de lui envoyer le double du courrier indigné que j’allais rédiger aux inqualifiables incompétents (sûrement des grévistes) des services postaux, dès mon retour dans ma si mal desservie patrie natale…

Bref, nous n’aurions perdu la face ni l’une, ni l’autre.
 

Mais nous étions à Bourges (France) . Donc nous avons simplement répété sur un ton impatienté, perdant ainsi encore cinq bonnes minutes, l’une qu’elle avait envoyé sa b… de f… de m.. de missive, et l’autre qu’elle ne l’avait jamais reçue,  cette  b… de f… de m… de  lettre.

Manière bien française de ne pas perdre la face, certes, mais quelque peu stressante et inefficace…

Et puis je suis entrée sous le porche, rouge de honte d’avoir ainsi fait attendre « tout le monde »,   et me suis enfin  retrouvée quelques minutes plus tard assise parmi tous ceux qui attendaient, depuis une demi-heure,  d' entrer dans l’amphithéâtre où l’on allait procéder à l’élaboration des groupes des six ateliers de la semaine.  

 Ce fut là qu’entrant à la queue leu leu,  6 personnages  en quête d’apprentis nous firent face….

Je n’en reconnus qu’un, celui à cause duquel j’étais là : Hervé Le Tellier. Les autres m’étaient inconnus, mais je me suis doutée  cependant que j’avais devant moi la crème de la crème, car quelques applaudissements, discrets mais efficaces, saluèrent leur présence devant notre parterre…

 

(suite, ou plutôt  aveux supplémentaires, à demain).  

L'appel à Tartes (2)

La deuxième tarte, dite ‘tartare ».

 

Il existe en fait DEUX Bourges.  (un certain « Dark Pioupiou » de ma connaissance  dirait que deux, ça fait déjà trop, mais lui,  faut dire qu’il est alternatif libertaire, alors…).

 D’abord, une ville « normale », c’est-à-dire ayant adopté, comme partout, la  laideur gangrenée  propre au vingt et unième siècle néo-capitaliste.  (et voilà ! Dès que je pense à Dark Pioupiou, je me sens aussi contaminée par les idées anarchistes que Fukushima l’est par  les particules radioactives, mais c’est que je suis influençable, au fond…).

Je veux dire  que Bourges est une ville  avec d’innombrables  ronds-points,  des centres commerciaux,  des grils courte-paille et des halles aux chaussures,  des panneaux publicitaires géants, des  façades d’HLM varicellées d’antennes  paraboliques et  des  bretelles autoroutières  usant d’un  vocabulaire  aussi innovant que difficilement  géographique. Par exemple, alors que vous cherchez (vainement) la pancarte « centre-ville »,  une énorme  signalétique électrique vous informe :   «  BARCELONE- MONTPELLIER:   suivre la C45-B33a jusqu’à la sortie 22 de l’A 76 ».

Bref, que de l’explicite.

 

Ensuite, Bourges est aussi une  «  vraie » ville, ce qui signifie historique.  Une ville  piétonnière, où les bagnoles ne circulent pas, ce qui est une bonne chose, mais doivent donc se garer, ce qui compliquait dans mon cas  un tout petit peu le respect de l’horaire sacré du rendez-vous de 9 heures pétantes, dans cet endroit précis que j’ignorais encore.

Bourges est une des villes de France qui a le moins morflé, architecturalement parlant, des petites embrouilles de voisinage survenues lors du siècle dernier : tout est à peu près resté debout. Imaginez une de ces magnifiques maisons  particulières rouennaises, aux façades à colombage, au voisinage de l’église Saint-Maclou, par exemple . Ben, à Bourges, vous en avez des rues entières, en losange et croix de Saint-André. Sans rire, si j’avais eu le temps de regarder autre chose que les sens interdits, j’en serais restée médusée.

En prime,  est installé un réseau de caméras de surveillance bigbrothérien,  qui, d’un seul coup d’un seul, te rappelle que tu es tout de même au 21è siècle, et qu’il faudrait pas effaroucher le  propriétaire du porte-monnaie chargé d’euros à qui tout ceci est destiné : le touriste ordinaire…

Touriste qui est détendu, donc, mais qui est incapable de te donner la moindre indication, vu qu’il est désolé, mais qu’il n’est pas d’ici.

Ahahah.

 

Il était 8 heures quarante. Je devais prendre une décision, et une place de parking.

 Je trouvais les deux ensemble,  à 8 heures quarante-quatre, et arrêtais ma twingo qui venait de rouler cinq heures d’affilée juste en contrebas du Palais Jacques  Cœur. En face du parcmètre qui refusa ma carte bleue, pour des raisons qui auraient dû m’être expliquées sur un écran électronique que je ne fus pas foutue, hélas, de  faire fonctionner. Le monsieur qui attendait son tour, derrière moi, finit, soit de guerre lasse (car je n’avais pas non plus de monnaie),  soit par pitié, par me donner cinquante centimes. C’était peu, mais la machine avala la pièce. Ca me donnait un bon quart d’heure pour trouver, à pied, et sans craindre de PV, l’endroit où j’allais…

 

Hélas. Les réponses des  authentiques autochtones (je les repérais à leur absence de tongs) furent  toutes à peu près les mêmes,  bien que posées successivement  à 8 heures 50, 58, 9 h 06 et 12.

 

Pour aller au restaurant « La Gargouille », ben suffisait de suivre le chemin de la Cathédrale, oui, celle qu’on voyait là-bas, c’était beau, hein ? Et la Gargouille, ça, on me le recommandait sans réserve.

 

Mais pour les ateliers littéraires consacrés à l’OULIPO, là, la réserve semblait de mise.

 

Personne ne savait quoi que ce soit.

 

Je devins, vers 9 heures 15, définitivement héroïque : je refusai l’entrée du désespoir dans ma cervelle désemparée. Du coup, (et comme, au palais Jacques Cœur, la seule personne que j’avais vue devant les portes fermées était une femme de ménage qui, entrant dans les lieux  à 9 heures vingt et une,  m’avait indiqué que « ça l’aurait beaucoup  étonnée qu’il se passe quoi que ce soit avant 10 heures, vu qu’elle devait passer la  toile à laver dans le hall  avant l’ouverture des portes…), je me suis rabattue sur la seconde partie de  mon altière native : l’école des Beaux-Arts.

Où j’arrivais vers 9 heures vingt-cinq.

Et où je fis la connaissance de l’anonyme que je vais me permettre de nommer « l’organisatrice en chef ».

J’étais dans un sale état. Suante, sichoufflante, perdue, inquiète, pensant sans arrêt que les cinquante centimes étaient bouffés depuis longtemps et me demandant combien ça coûtait, un PV juste en-dessous du palais Jacques Cœur,  un peu nauséeuse et surtout honteuse : car moi qui ai horreur de ça, j’étais en retard. Un retard tartare, cru, saignant, sous la selle de mon cheval fourbu, tirant la langue. Un retard qui allait peser son poids de pénibles minutes…

Bref, un état psychologique assez voisin de celui de la petite fille qui, à l’école primaire, n’ose pas demander à aller aux cabinets,  devant toute la classe.

L’organisatrice m’a donc instantanément reconnue, et, pour couper court à mes explications désordonnées, mes tentatives de demandes d’aides et le commencement d’un soupçon d’exaspération qui me montait, malgré moi, aux narines, elle adopta le ton ferme et compétent de la maman qui te me va l’éduquer, tiens, l’enfant récalcitrant.

D’abord, elle m’indiqua aimablement que cela faisait donc une demi-heure que « tout le monde m’attendait », et que « ça causait un sacré retard dans l’organisation ».

 

C’est un point de vue d’organisatrice en chef qu’en d’autres temps, j’aurais parfaitement accepté. Après tout, moi aussi, il m’est arrivé, des fois, d’être competente, efficiente, organisée, sévère-mais-juste et sûre de moi. Et même bénévole…

 

Mais là, je voulais juste qu’on réponde à mon affolement, et surtout je sentais une envie irrépressible de comprendre ce qui venait de m’arriver, qui  montait de mes nerfs crispés. Pourquoi donc les autres, les quelques 80 personnes que je voyais au loin, dans la cour carrée du bel immeuble des Beaux-Arts, prendre un petit déjeuner détendu, n’étaient-elles pas, comme moi, debout devant une femme assise  qui vérifiait méticuleusement que, malgré mon retard et le trouble que je causais déjà (qu’est-ce que cela allait être par la suite !!!), j’avais bien rempli mes obligations  et avais donc le droit d’être là  (encore que… Le retard…)  

 

Je fus sauvé par un jeune homme à catogan et cheveux bouclés, un stagiaire ?,  à  qui l’organisatrice,  prenant conscience que mon désarroi atténuait encore des compétences dont, d’un seul coup d’un seul, elle venait de prendre la faible mesure, enjoignit de s’occuper de moi.

 

A 9 heures trente cinq, j’étais au volant de ma twingo. A trente-huit, j’entrais dans le parking sécurisé « prévu à cet effet » dont les 79 autres personnes avaient eu connaissance, à part moi. A 9 h  40, le  jeune homme me sourit, un peu navré, et j’eus la soudaine intuition que sa sollicitude  (qui me détendait à la hauteur d’un tube de valium)  provenait peut-être aussi d’un passé rugueux avec l’organisatrice en chef, qui sait ?

 

Ca m’est déjà arrivé, dans ma vie, d’avoir le soutien silencieux de galériens timides qui, cherchant à prévenir les dangers vers lesquels, avec mon inconscience habituelle, je me dirigeais tout droit, me venaient spontanément en aide, parce qu’ils étaient déjà passés par là…

 

N’empêche que, même en empêchant 80 personnes de respecter un horaire aussi scrupuleux qu’utile, je voulais comprendre ce qui venait de m’arriver. A savoir, entrée en Bourges à 8 h 35, ne franchir le porche de l’école des Beaux-Arts qu’à 9 h 50…  

Et donc, revenue devant la directrice de l’école primaire, l’organisatrice en chef, je posais la question qu’il n’aurait pas fallu…

 

(la suite à plus tard. Je demande humblement pardon à toutes celles qui ne sont intéressées  du récit de mes souffrances  qu’à cause de la présence, dans les parages, d’Hervé le Tellier : il n’apparaîtra qu’à son heure… Disons qu’elles pourront alors choisir leur lecture « à la carte ». Mais moi, j’ai besoin d’écrire mon histoire « par le menu » !!!)  

L'appel à Tartes

L’appel à tartes.

 

  1. La première tarte, dite «  l’arrivée ».

 

La première tarte, évidemment, ce fut celle  que je me suis à moi-même donnée : partir dans une ville inconnue, à un atelier littéraire tout aussi ignoré,  sans savoir exactement où  je mettais les roues.

N’importe quel individu  aurait eu  envie d’en savoir un peu plus…

Ahahah.

 Mais l’incertitude étant la soupe primitive dans laquelle j’ai bouillonné avant même d’arriver sur terre, toute l’aventure  me parut, à moi,  certes assez imprécise mais justement : ça devait être voulu. Décidé. Soigneusement élaboré.  

  Car si j’avais scruté et re-scruté la page « renseignements pratiques » du site internet de l’atelier « Récréations 2016 » de l’OULIPO, mis en lien à partir de la page Facebook d’Hervé Le Tellier,   je n’en avais tiré que deux conclusions :


- l’atelier commencerait à Bourges,  le lundi matin, à 9 heures pétantes.

- Il se déroulerait soit au palais Jacques Cœur, soit à l’école des Beaux-Arts, selon.

(selon quoi ? Ce n’était pas précisé, mais ma confiance inébranlable dans l’efficience des webmasters, qui était la bouée de ma soupe primitive pré-existentielle,  me fit ignorer superbement ce genre de détail.)

Donc, puisque j’avais décidé de consacrer, sur mes trois semaines de congés payés, une semaine entière consacrée  à la découverte d’une activité littéraire, je n’avais plus qu’à me lancer, munie de ces deux viatiques…

 Et dans la nuit du dimanche au lundi, en grimpant vers quatre heures du matin dans ma vaillante petite twingo, je m’en fis le serment : je serai à Bourges le lundi matin,  à 9 heures pétantes, soit au palais Jacques Cœur, soit à l’école des Beaux-Arts.

Selon.

 

Et ça n’a pas loupé.

 

Je fus seule. Ce fut long.

 

Car j’ignorais ce que je ne savais pas, et qu’il aurait fallu que je susse….

 

(la suite à deux mains).    

Le plus terrible, c'est de savoir, et de ne pas savoir...

Savoir que cela va recommencer, bien sûr. Mais le pire, c'est de ne pas savoir où, et comment. On sait juste que cela va continuer. Ici, là, ailleurs. Mais où ? Mais comment ? 

 

Certains anglais, m'a dit mon pote Peter,  croient naïvement que leur sortie de l'Europe va les préserver du terrorisme de Daech. Raisonnement de rats quittant le navire, sans savoir jusqu'où ils devront nager, et combien de temps, avant de se noyer.

D'autres croient tout aussi naïvement que c'est l'humanisme, ou les idéaux de la renaissance, ou les révolutions du 20è siècle, ou la perte du sentiment religieux en occident, ou l'héritage du colonialisme, ou la conséquence du consumérisme capitaliste,  ou la mondialisation ou l'influence de Jupiter dans la constellation du Verseau, ou la déliquescence des partis politiques représentatifs, ou les moeurs dissolues des "représentants" des peuples, ou les manipulations des agences mondiales de financiarisation des 5 % de privilégiés possédant des gros tas d'actions, ou les objurgations commandées mais non respectées d' un prophète qui se baladait avec un petit nuage sur la tête pour l'empêcher d'attraper des coups de soleil, ou ou ou, qui sont les responsables de la violence suicidaire qui est la marque d'une guerre déclarée au nom d'un Dieu qui se prochame synonyme d'amour.

Moi, je veux bien, j'avoue mon ignorance  : j'ai déjà parlé de la peur qui, quand elle s'installe, ne peut plus jamais s'en aller d'un seul coup, d'un seul bloc, mais qui peut seulement s'effriter, de ci, de là, un rire d'enfant fait déjà tomber un petit morceau du mur de terreur, un sourire perce un trou qui permettra qu'on aille jeter un oeil de l'autre côté, un voile ôtée par une jeune femme qui, d'un coup d'un seul, refuse de se laisser objectiver fait tomber au moins trois briques, et pendant que les soldats jetteront, comme au temps de Jeanne d'Arc, des échelles où grimper pour tenter d'assaillir le mur, d'autres, ceux qui tentent de penser le monde et de nous l'expliquer, commenceront, plus intelligemment, à creuser par-dessous le mur, à trouver les bases infectes d'où il est construit, à tenter de convaincre d'effectuer les travaux nécessaires... Tout ça peut effriter ma peur, mais ne la fera plus jamais disparaître, d'autant que tous ceux qui ont encore plus peur que moi, au point de venir affronter ici  une possibilité de mort et un avenir incertain plutôt que de périr sous les feux de la haine de là-bas , me regardent tous les soirs, dans les images qui nous proviennent du monde - si je pouvais les rassurer, je me rassurerai moi aussi, mais non, on ne peut qu'effriter, petit bout par petit bout, demander à ceux-ci d'arrêter leurs discours de haine, à ceux-là d'acquérir de l'empathie, à tous, enfin, de continer d'affirmer, d'asséner, d'écrire, de proclamer, de hurler et de murmurer que nous sommes tous semblables, tous ensemble humains... Et seule notre envie de la définir, cette humanité, nous différencie. La mienne est naïve, inefficace, partielle et égoïste : car dans la mienne, le mur de la peur ne s'effrite plus, il ne peut même plus être reconstruit,  il est définitivement remplacé par un jardin dont nous serions tous les jardiniers. C'est vous dire si ma vision du monde a de quoi faire flipper ceux qui, demain, ou ce soir, ici, ou ailleurs, vont continuer à vouloir me, nous, vous, ils, elles, à vouloir tuer.

 

 

 

La perte la plus grande...

Les incomparables bavards que sont les êtres humains

 

(et je me sens, ces jours-ci, si profondément humaine que cela me dégoûte. Je voudrais tant être mon chat, arriver le matin par la fenêtre restée ouverte, vernir me lover dans des bras ensommeillés et, soupirant d'aise et de confiance, entamer un ronronnement régulier, qu'avoir une conscience humaine me fait l'effet, au contraire, d'être réduite à une patte exorbitée ponctuée de griffes entièrement dégainées)

se sont bien entendu posé la question de ce qu'est la plus grande perte possible, pour eux.

la vie semble la réponse la plus plausible...

Et les romantiques (j'entends ce terme depuis Chrétien de Troyes, n'est-ce-pas, en visualisant Iseult droite assise sur son cheval, en route vers l'ordalie où elle s'apprêtait à mentir, pour ne pas trahir son amour de Tristan) répondaient d'un seul coeur "l'amour". La perte de l'amour plus cruelle que la perte de la vie..

Et puis il y a tous mes contemporains. De la perte de leur bagnole à celle de leurs clés, de l'amour-propre des footeux à la perte de la jeunesse, de la chute des cheveux à leur rétrogradation dans l'organigramme de leur boîte, de l'incendie de leur baraque à la moisissure de la tranche de jambon oubliée dans le frigo, la frivolité des morifs des pertes semble infinie.  Sans compter ce que ma mère appelait pudiquement (quand elle en parlait, ce qui a dû lui arriver deux fois en tout devant moi) "les pertes", celles qui cautionnaient le péché originel et les souffrances des accouchées.

 

Mais plus rien de tout cela ne semble  maintenant me concerner. Ni les affections, ni les sentiments, ni l'appétit de vivre, ni les nourritures terrestres, ni même la conscience de soi.

 

La seule perte qui se dresse désormais devant moi, comme un mur qu'il va bien me falloir franchir un jour, c'est la perte de l'envie d'écrire.

 

Car si je peux mentir, il m'est si difficile de mentir en écrivant. Il me semble qu'en filigrane, derriière tous les mots heureux que j'emploierai, ce ne seront plus, désormais, que les lettres qui forment le mot "amertume" qui seront lisibles.

 

Notez bien que Pessoa en a fait des chefs d'oeuvre !!!

(mais justement. Je ne suis PAS portugaise, et quelle ironie d'apparaître, dans cette spirale douloureuse, simplement et seulement  vêtue des si peu euphoniques y, r, b, a des lieux communs de  Bernay, ou du pays de Bray !)

ahahah.

 

 

 

Traduire la trahison ?

Le proverbe est formel : traduttore, traditore. 

 

Traduire, c'est trahir.

 

Je n'avais jamais réfléchi que la proposition pouvait s'inverser, ni de quelle manière on pouvait traverser cette épreuve. Les trahisons que j'ai pu ressentir (vraies ou fausses, là n'est pas la question) venaient toutes d'un étonnement profond : je ne m'y suis jamais "attendue". Elles m'ont toujours été assénées par surprise, dans une sorte d'effroi devant le gouffre qu'on ne voyait pas. L'ours tombant dans la fosse, qu'il ignorait être là, et qui en plus, si ça se trouve, n'avait même pas été creusée pour lui !

 

Les petits mensonges, les humiliations bénignes, l'oubli de ce que telle attitude allait bien pouvoir signifier pour moi, toutes ces trahisons si quotidiennes qu'elles en deviennent, sinon attendues, du moins sans aucune surprise,  me semblaient, et c'est sans doute là qu'elles germaient, c'était sur cet humus qu'elles pouvaient croître, être "de ma faute".

C'était ma faute si mes attentes étaient déçues. Ma faute (et ce que ce connard de  Reich appelait "la peste émotionnelle", concept bien pratique pour faire croire à l'égalité de l'attirance que tel ou tel individu peut provoquer) si je souffrais de silences, là où j'aurais tant aimé des paroles bienveillantes. Ma faute si j'étais laide, et donc si l'on me faisait un grand honneur en me distinguant "malgré"...

 

Ce "malgré" a en quelque sorte anihilé les sentiments de trahison que j'aurais dû, et que j'ai parfois, en toute légitimité sentimentale, ressentir... Bah, il est trop tard pour que je m'en plaigne, mais néanmoins, la question me tarabuste : traduire, c'est trahir...

 

Mais trahir, c'est traduire QUOI, exactement ? 

 

Le mépris ?

 

L'indifférence ?

 

Le cynisme ?

Je crois bien qu'il me faudrait encore quelques jours de réclusion, seule avec le miroir des blesssures narcissiques reconnues ou enfouies, enfouies comme on enfouit les saletés sour un tapis, pour concevoir une réponse qui me permette de ne pas avoir envie de m'enfuir, à toutes jambes, des sables mouvants du manque de confiance, dévorant mon être pour ne laisser que la  pitoyable image d'une âme  trahie, sans avoir jamais été traduite.

 

 

 

Score toujours, tu m'intéresses...

Alléluia ! En cette chaleureuse année 2016, nous y sommes ! Les résultats du baccalauréat en témoignent : il y a autant de bacheliers qu'il y eut, jadis, il y a très très longtemps, vous vous souvenez ? En 2002, d'électeurs de Jacques Chirac au second tour de la présidentielle...

 

Ca sent son avenir radieux, pas vrai ?

 

(ps : Gina, si mon coeur était une cible de fléchettes, vous auriez eu le score (sic) maximum. Mais en ce moment, je ne me sens guère mieux qu'une planchette en bois, de celle qui sent bon le sapin ! Allez, sourions ensemble, voulez-vous ?)

Et en voici une petite, qui contient un brin de médecine, et quelque peu de mélancolie.

 Ces deux-trois derniers jours, plus moyen d'y couper. Pour des tas de raisons aussi vaseuses que variées, et qu'il est absolument hors de question que je vous raconte (d'ailleurs, aucune question ne sera recevable !!!) , il  a fallu que j'y passe... Un peu meurtrie, il a bien fallu, en plus,  que je m'avoue la vérité : pas d'histoires possibles. Je ne pouvais plus faire face, surtout si je restais dans cette demeure où j'habite, et où je ne suis jamais sûre d'être bien chez moi. 

Mais je vis dans un pays formidable, où l'on peut vous proposer des alternatives sécurisées et hors de tout contemporéanité : depuis combien de temps n'avais-je pas profité d'un environnement sans bruit, sans télévision, sans autre présence que celle, légère, d'un personnel médical ayant parfaitement compris mon besoin de silence ? Je pensais à Pascal, à Montaigne, à Descartes : les chambres et les poêles propices à la méditation se cachent désormais derrière les panneaux recommandant le silence aux visiteurs des hôpitaux, et la chance avait même voulu que le bruit des automobiles, sur la route proche, soit espacé et distant, suffisamment pour oublier tous les moteurs de notre civilisation...

Un asile, donc ? Une thébaïde ? La quiétude d'un cloître chrétien ?

Non, faut tout de même pas pousser Mémé (c'est-à-dire bibi), dans les orties. Comme dans le fabuleux livre de Westmacott "loin de vous ce printemps", le face-à-face avec soi-même est d'autant plus douloureux que l'image des "autres", et l'horreur de vos rapports à autrui,  vient également s'y préciser...

Il restait le sommeil. Après tout, j'étais un peu là pour ça. Et puis,  "le rêve n'est -il pas la voie royale de l'inconscient" ?

Forte de cette certitude, et fort médicalement entourée, je m'y suis donc plongée. Mais sans délices.. 

Et le résultat est tombé, dru comme la pluie insensée de cet été qui n'en est pas un :

je ne serai donc jamais plus qu'une Belle aux Abois, dormant.

 

 

 

 

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Andy ne se tâte plus...

Car je vais faire vérifier, une fois de plus, la célèbre devise d'Andy Wharol, selon laquelle chacun aura désormais ses quinze minutes de célébrité... Fr3 va en effet diffuser  dinq émissions consacrées au Pays de Bray, cet été, et l'une d'entre elles sera entièrement consacrée à la méritante équipe de "BEAUBEC PRODUCTIONS" (euh... c'est-à-dire, en fait,  à Clopin et moi-même !)

pas d'affolement : ça  passera au mois d'août, vraisemblablement sur un horaire genre 10 h 45 - 10  h 55, sur Fr3 Normandie. Pas de quoi, comme le paon, faire rutiler une queue superbe, mais enfin...

Notez bien que le tournage a été fort plaisant. Entre deux considérations sur le dérushage et le "métier", l'évocation de connaissances communes, le rhume des foins du caméraman et le bon sourire du preneur de son, nous nous sommes sentis à l'aise, Clopin et moi. J'ai essayé de citer les copains, Clopin est revenu sur son militantisme associatif, et miracle ! Il faisait même beau...

Je regardais du coin de l'oeil ce que prenait le cameraman : une araignée dans la vigne, la girouette-charette à ânes se découpant sur le ciel, l'architecture insensée de la grande Sauge de Jérusalem, le chat jaune  se roulant dans le potager, la barrière du champ du bas nimbée du vert strident de l'herbe, le cidre roux versé dans les verres... Je vois d'ici ce qu'"ils" vont en faire.

Mais pourquoi pas ? La journaliste a fini en présentant nos DVD face caméra, et sa voix professionnelle était cependant chaleureuse...

Même si Andy se méfie, Andy dit oui...

 

(à part ça, dentiste à Rouen ce matin. Il pleuvait des seaux et des seaux, à verse, comme il pleut quand il pleut ici. Et autant j'aime bien mon dentiste, petit homme consciencieux et charmant, autant je déteste ce qu'il me fait - et le prix que ça coûte ! Mère de dieu !)

 

 

C'est cession !

Je n'aurais jamais cru en arriver là, mais puisqu'il le faut (grâce à Paul Edel, d'ailleurs, qu'il en soit remercié)  ! J'appelle donc à manifester  dès aujourd'hui  tous les habitants  rassemblés entre Neufchâtel-en-Bray, Gournay-en-Bray et Forges-les-Eaux, pour tenter d'arrêter tout de suite la mauvaise brise qui nous vient de nos anglais voisins...

Car ce serait folie que de quitter la Normandie !

J'en suis convaincue : tout nous attache ici !!! Nous sommes dans une boutonnière : si nous quittons l'affaire, le pardessus sera mal attaché, les pans de la veste flotteront, et il y aura une dissension fondamentale entre le cul et la chemise...

Je vous en conjure : parons tout de suite le mauvais coup que nous inspire la perfide Albion :

 

PAS DE BRAYXIT ICI !

 

 

82 %

82 %. Nous étions 82 % à voter Chirac, en 2002. Bien entendu, cette dernière phrase est grammaticalement correcte mais politiquement complètement absurde. Car dans ces 82 %, la moitié à peu près, disons 41 %, ne votaient pas Chirac : ils votaient contre le F. Haine.

J'en étais.

Moi qui ai toujours voté Parti Socialiste au deuxième tour, point dupe mais convaincue que ce parti pouvait avoir la volonté de contenir les appétits de la droite, cette année-là, j'avais comme une moiteur qui remontait de ma main vers l'urne...

Ma main est sèche aujourd'hui.

Demain, une fois de plus, je ferai grève et irai défiler à Rouen... Les dents serrées.

Car ma résolution est prise : quel que soit le cas de figure, je dis bien QUEL QUE SOIT LE CAS DE FIGURE, je ne voterai pas P.S. au second tour de l'élection présidentielle de 2017.

Je ne voterai pas pour un parti qui  me trahit, qui nous trahit, et dont la seule argumentation est de dire "avec la droite ce sera pire qu'avec nous".

Ce sera pire sans vous,  sans doute.  Mais ce sera SANS VOUS.

Tous ceux qui, demain, vont arpenter les rues, s'en font dorénavant la promesse !!!

 

 

Voilà l'été !

La fenêtre de tir était étroite, mais nous ne l'avons pas loupée. Comme tous les ans, grâce aux amis de "Trésor de Jardin", nous avons randonné et mangé un repas gastronomique  fantastique (je pèse mes mots), où les plantes des talus et sous-bois,  habituellement dédaignées, comme la consoude, la Grande Berce, l'egopode, le plantain, la cardamine des prés, d'autres encore que  j'oublie, sont ici travaillées avec patience, ténacité et intelligence.  Comme en plus nous sommes accueillis dans des endroits fort agréables (hier, une ferme-asinerie" et que des animations culturelles sont proposées (hier, un concert de digeridoo), il aurait été bête de passer à côté...

 

Et pourtant. La météo étant ce qu'elle est, nous avons bénéficié d'une chance rare : car dimanche a été la seule journée sans pluie de juin, et nous avons même apprécié un peu de  soleil... Alors, certes, la randonnée passant par les cavées brayonnes, nous avons tous eu nos chaussures couvertes de boue : l'eau ruisselle à plein dans les chemins creux, et la glaise qui s'attache aux chaussures a provoqué bien des fatigues (tendinite chez Clopin, et courbatures prononcées chez bibi). Mais c'était le prix à payer, et nous nous en sommes tous acquittés de bon coeur (d'autant que les places sont désormais comptées chez Trésor de Jardin, succès de la formule oblige)...

 

 

Dige

Malgré ces bons moments, j'ai quand même du mal à vivre ce mois de juin 2016. D'abord, j'en ai déjà plus que par-dessus la tête de l'Euro de foot, le nationalisme s'étale partout en bleu blanc rouge, jusqu'à la nausée, et on comprend bien que l'enjeu dépasse le sport : il s'agit avant tout de pognon, pas vrai ? Quand on sait que de toutes les "associations loi de 1901" (ou "soi-disant"), la FIFA gagne haut la main la palme de la corruption... bref.

 

Et puis la violence du dérèglement climatique, qui nous vaut  la déception d'un printemps disparu (et en Bray, c'est mai et juin qui rattrapent le reste de l'année... C'est dire d'avance si le mois de novembre sera sinistre, puisqu'on ne pourra même pas évoquer le printemps passé pour se remonter le moral...) répond à la violence sociale, et son dérèglement politique. Comme beaucoup, cela fait pas mal d'années que je vote "socialiste au deuxième tour" avec des arrière-pensées et par une sorte de fatalisme. Mais là... Je ne comprends pas. Les manifs sont composées de milliers de personnes. Valls et consorts croient-ils vraiment que ce peuple, descendu dans la rue, va continuer à voter pour un parti qui prend la responsabilité historique d'avouer publiquement le mensonge de la démocratie représentative ? Car Hollande représente qui, au fait ? Depuis mardi dernier, certainement plus moi...

Jeudi, je retournerai à la manif à Rouen, et je voudrais que chaque manif, désormais, soit plus importante encore que la précédente. Ce n'est plus de la stricte défense du code du travail qu'il est question, mais de l'ensemble du projet social, bafoué par de cyniques politiciens coupés complètement de la réalité du pays, et à la solde d'intérêts financiers aussi délétères qu'empoisonnés.

Et je ne crois pas que le chantage si efficace 'si vous ne votez pas pour le PS au second tour, ou les républicains, vous ouvrez la porte au F Haine" marche cette fois-ci. Nous sommes, nous le peuple de gauche, trahis par ceux-là mêmes qui sont à leurs places (dorées) grâce à nous...
 

Amertume, inquiétude, horreur devant la menace terroriste, monde qui ne va jamais mieux mais toujours plus mal, planète blessée écologiquement...

La fenêtre de tir était étroite, et j'avais, hier, l'impression d'engranger le plus vite possible quelques clichés encore heureux d'un dimanche printanier et bucolique, pour pouvoir affronter le mauvais temps qui vient... (et une dure pluie, une !)

Tous aux manifs, désormais.

 

Voilà l' été ?

Mon ami parisien, Jacques Barozzi,  se démène tant et plus : il vient de publier ceci, au Mercure de France :

 

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C'est un savoureux choix de textes autour du thème, mais hélas... Jacques a beau y mettre du sien : ça ne fait pas revenir le soleil...

Pourtant, la lecture des extraits (surtout celui de Giono, d'une ampleur lyrique qui fait remonter chez moi, à chaque fois, comme des réminiscences virgiliennes !) m'a ramenée à quelque dix ou quinze ans en arrière. Moi aussi j'avais célébré l'été, cette année-là, à ma manière bien sûr...

 

Voici :

Le cahier d’été

 

Cette année-là,  ce serait du solide. Du sérieux. Le cahier en attestait : pas moins de 132 pages, format 21 x 29,7, petits carreaux, couverture plastifiée,  grammage à  120. Puisque le clavier azerty allait rester près de l’ordinateur,  autant voir large.  132 pages, voilà une ambition  avec de la tenue, en  trois semaines d’été…

La résolution était prise : il serait posé là,  à sa place, sur la table du jardin, dès la fin du petit-déjeuner. Ou, à la rigueur, emporté près de la rivière : les larges pierres bossuées  où l’on étalait les serviettes, pendant les parties de baignade,  lui serviraient d’assise.  Ou encore il serait placé dans le panier du vélo, afin d’être utilisé sur les tables des cafés,  pendant les pauses que l’on s’accorderait, au village, en attendant le retour du marché de l’un,  la fin de la promenade de l’autre, ou l’arrêt des tours de manège des deux petits…  

 Mais en tout cas, pas une journée  sans en noircir les pages, sérieusement, et avec de la littérature, s’il vous plaît.  Peut-être pas les 132, en fait. Mais au moins 10… 8… disons  5 par jour…

Hélas, en tout et pour tout, ce furent  trois  pages seulement  du beau cahier sérieux qui  furent remplies. Et encore. Sur la première, on pouvait voir une liste de courses, qui s’égrenait ainsi :

  • 2 kilos de pêches
  • 2 kilos de tomates
  • Chips
  • Glaces à la fraise

Sur la seconde, deux enfants avaient colorié un magnifique dessin, une sorte de couple improbable où un Goldorak  piétinait un monstre assez indéterminé, mais plein de couleurs, avec des zébrures rouges et un gros soleil jaune, dans le coin à droite. Le cahier se souvenait fort bien de l’après-midi où les enfants s’étaient emparés de lui : on n’avait pas pu aller se baigner, cette fois-là…

Quant à la troisième, il y était indiqué, de biais sur la page, d’une grosse écriture ronde qui prenait une large place, qu’on était parti pique-niquer près de la retenue d’eau, et  que, si par hasard l’envie prenait le lecteur de venir se  joindre au groupe, qu’il n’oublie surtout  pas d’apporter une bouteille de rosé…

A  la fin de l’été, le cahier, oublié sur la table du jardin, n’était plus feuilleté que par le vent, qui en tournait les pages…  Et le vent  faisait  naître ainsi  un petit bruissement  narquois, empli de l’écho des rires et des « ploufs dans l’eau », du goût des fruits  mûrs et du balancement paresseux du hamac, un petit bruissement joyeux et satisfait, qui se moquait bien  des  cahiers d’été, des sérieuses résolutions, et de la littérature.

 

Clopine Trouillefou

(Chamborigaud, au bord du Luech)

Luech

 

Luech1

 

L'été, quoi.

 

La bande organisée !!!

J'ai ranconté l'histoire de l'oiseau que j'ai sauvé d'une mort certaine, l'autre jour. Mais ce que je ne savais pas, c'est que les assassins, que je dissociais jusqu'ici, opèrent en fait en bande organisée...

Sisi.

Tenez, ce matin même : la pluie ayant cessé depuis le lever du jour, à 8 heures j'étais dehors :  assise sur le banc encore un peu détrempé mais au soleil,  dans mon jardin, mon mug plein d'earl grey à la main, regardant vaguement mes roses et me demandant si nous allions pouvoir déplier la table de ping-pong : petites questions pour un petit quotidien  de peu de soucis, et rien de bien grandiose ni de bien dramatique...

Quand soudain...

Le gros Roucky passa comme une flèche devant moi, ayant à la gueule un petit corps brun d'où dépassaient, de chaque côté, de minuscules mains roses, presqu'humaines.

On ne se méfie jamais du Roucky, car c'est un chat lent, qui semble avoir moins de réflexes que d'autres, et qui ne saute sur les tables, d'un souple mouvement sans appel, qu'en cas de refus : il commence d'abord par quémander en miaulant qu'on lui évite cet effort en le portant à la bonne hauteur (je sais,  ça paraît  dingue, mais c'est comme ça chez moi. Le chat saute sur les tables...  Nous sommes en réalité au service de  nos animaux, qui profitent sans scrupule de notre faiblesse collective)... Mais cette lenteur et cette paresse proviennent surtout du fait que sa mère a été tuée trois semaines avant son sevrage : certains apprentissages lui ont ainsi manqué.

Mais, même sans apprentissages, un chat reste un chat, bien sûr. Ce n'est pas la taupe de ce matin qui me contredira : elle a compris sa douleur...

Roucky s'était bien gardé de la tuer d'un coup : il comptait sûrement, après l'avoir relâchée, jouer un peu avec - même en n'ayant jamais lu le Maüs de  Spiegelman, on sait bien cela !

Mais l'autre assassin était là lui aussi, j'ai nommé le grand chien maladroit Ti'punch, qui ne lâchait pas son coéquipier d'une  semelle. Et sitôt que Roucky eût laissé tomber sa proie, le voici qui bondit dessus, l'emporta comme un fromage et finit le boulot...

Puis revint, me demanda un câlin  en posant sa tête sur mes genoux, fit une sorte de caresse au chat (qui se demandait encore où était passée sa taupette), et reprit, comme si de rien n'était, sa posture de chien modèle...

Franchement, de quoi gâcher mon déjeuner : aucun scrupule dans les yeux tranquilles de mes assassins préférés. C'est bien la peine d'avoir des animaux qui se prennent visiblement pour des êtres humains, si on n'arrive pas à  leur inculquer un peu de culpabilité, deux sous de remords et un peu de sens moral...

 

Soupir.

Clopinou ou la problématique de l'exploit

Le troll Lucien Bergeret, s'il n'a pas réussi à attaquer les fondements de mon ego, m'a néanmoins tant harcelée que je suis devenue, sur le ouèbe, assez paranoïaque. Ainsi, j'ai soupçonné une simple visiteuse de ce blogounet,  qui me témoignait de l'admiration, d'être le troll, et je l'ai rembarrée... Elle voulait simplement des nouvelles du Clopinou.

Je suis d'autant plus disposée à lui en donner qu'aujourd'hui, je ne peux penser qu'à lui. Il passe en effet un oral important. Oh, s'il le rate, ce n'est certes pas une catastrophe : il pourra poursuivre le cursus universitaire dans lequel il est engagé, sans problème... Mais s'il réussit, il aura accompli là une sorte d'exploit.

Et je me rends compte que Clopinou est en fait un habitué de "l'exploit", ou au moins d'une sorte "d'héroïsme" : c'est sa façon à lui de quitter l'enfance  :  en en conservant l'exaltation...

S'il entre en prépa, il faut qu'il devienne le premier de sa cohorte. S'il étudie l'économie, il faut qu'il vérifie par lui-même la pertinence des thèses enseignées.

Il a toujours été comme cela : une sorte de "jusqu'au boutisme" : la tiédeur ne lui convient pas. Ce qui l'intéresse, c'est d'attaquer la falaise, quoi. Au diable les sentiers...

En terminale, et en toute innocence, Clopinou était capable de me dire : "bon, je viens de passer 6 heures sur mon devoir d'économie, il faut que je m'aère un peu, je vais aller lire Bergson"

Tout en pouvant passer des heures sur les jeux vidéo, comme tous les garçons de sa génération (et du coup, ça me rassurait un peu, qu'il soit "comme les autres". Paradoxe maternel !)

N'allez pas croire que ce besoin, cette volonté d'aller au bout des choses soient limités aux études. Clopinou agit toujours de même. S'il entreprend un régime alimentaire pour renforcer sa frêle (au moins en apparence) constitution, il ira droit vers un régime d'athlète, négligeant les étapes...

Bien entendu, cela lui joue des tours. Lors de la seconde année de prépa, (et soutenu par le fait qu'il était le major de sa promo), il s'est si complètement immergé dans la préparation de son concours qu'un échec paraissait impossible... Et qu'il a pourtant eu lieu. 

C'est là que j'ai eu peur : comment, lui qui a rarement connu l'échec, allait-il réagir ? Son orgueil conséquent, qu'il partage avec son père et son frère d'ailleurs, n'allait-il pas transformer sa déception en révolte, et la révolte le conduire à l'abandon vexé ?

Il n'en a rien été, et Clopinou persiste dans ce besoin de challenge, de mise en danger, de confrontation. Il pourrait benoîtement étudier tranquillou une matière qu'il aime, histoire de se préparer un destin d'enseignant, ma foi rassurant.. Non. Il en veut plus, refuse les cursus trop scolaires, veut s'attaquer à des problèmes complexes, a envie d'excellence...

L'exploit, quoi.

C'est très enfantin, et touchant à mon sens. (Mais bien entendu, comme je ne suis pas objective et que je pète de fierté, on ne peut me croire absolument sur parole, !)

A part ça, un garçon charmant. Larges épaules, minceur excessive, bassin étroit et jambes maigres. Une taille moyenne, que la minceur et l'aisance corporelle fait paraître élancée.  Les plus beaux yeux bleus du monde (ce sont ceux de son père...), capables de s'écarquiller gaiement mais aussi, parfois, d'envoyer des ondes glacées de réprobation. Un manque absolu et délibéré de sens pratique : il laisse à d'autres (en l'occurrence, sa copine) le soin de la gestion quotidienne, s'accommodant, ma foi, de ce qu'on veut bien lui donner.

j'ai bien peur de lui avoir transmis, par réaction contre la méticulosité paternelle, un certain laisser-aller envers les objets, qui se traduit par de petites catastrophes répétées (oubli de valise dans le train,  pertes et fracas.) traduisant une négligence, mais c'est peut-être aussi, là encore, un résidu d'adolescence rebelle...

Je me rends bien compte que parler d'"adolescence rebelle" à propos d'un étudiant brillant et investi peut paraître inadéquat : mais c'est sa manière à lui de vouloir forcer le destin.

Nous verrons bien (et je le saurai avant la fin de la journée) ce que ce dernier va lui réserver en retour !

En attendant, je n'ai jamais autant regretté de n'avoir pas la foi, car j'aurais fait une prière, aujorud'hui, pour mon grand Clopinou.

 

 

 

 

 

 

L'inquiétude d'une étrange beauté...

L'être humain est quand même pas terrible, quand on voit ce que la nature produit ailleurs (et je ne parle pas seulement des tigres !) : ici même, au beau milieu du pays de Bray, dans un milieu parfaitement inattendu (mais stratégique en regard de certains thématiques), un pote à nous a trouvé un  champ "d'orchis abeille", des orchidées protégées et garantes de biodiversité...

 

Orchidee

C'est quand même autrement foutu, question esthétique, que notre à peu près glabre peau rose, nos membres qui pendouillent et nos extrémités fourchues. C'est beau, quoi, une orchidée, même si cete beauté a quelque chose d'inquiétant, à force, comme tout ce qu'on a du mal à comprendre...Unnamed

 

Il parait que celle-ci se déguise, pour mieux la tromper, en abeille, d'où son nom. Mais qu'importe le nom, pourvu que ce genre de splendeur continue d'exister, même (et surtout) sans nous...

 

 

 


 

Etienne et Jules (ou plutôt Antoine et Pierre !)

Ce billet est mis en ligne ici pour contourner sournoisement la modération assoulinienne. Que ceux qui n'y comprennent que pouic passent gaillardement leur chemin, on ne leur en voudra pas !

 

aouh la polémique, Victor !

Je tape vite, j’ai donc retranscrit le billet d’Antoine Perraud sur France Cul, tout en l’écoutant. Voici :

« « tout part alors du blog de Pierre Assouline, la République des livres. Ecrivain, critique et membre de l’académie Goncourt, Monsieur Assouline, qui cloisonne en général assez bien les choses, s’adonne au conflit d’intérêts le 13 mai (cette date tient du mauvais signe, en République). Le connaisseur de la vie littéraire, sournoisement, cède le pas au juré vexé. Joseph Andras a mordu dans la main qui le primait, il mérite une fessée. La correction de Maître Assouline prend la forme d’une intrigue. Fondé sur des cancans, son billet de blog, allusif et vipérin, devient rampe de lancement de la rumeur. A partir d’une évidence, sans importance, (Joseph Andras est un pseudonyme, le domaine littéraire en regorge…), la calomnie s’insinue, comme dans le Barbier de Séville. Nous aurions affaire à une imposture, une nouvelle « ajaritude » (Emile Ajar fut le prête-nom de Romain Gary, qui roula ainsi les Goncourt en obtenant une seconde fois leur prix en 1975 pour « la Vie devant soi »).
Misère de la critique littéraire, incapable de faire entendre une voix « experte », capable de tordre le cou à une telle ineptie.
Profitons-en pour saluer ici, le dernier géant de la critique encore en vie, Jean-Pierre Richard, né en 1922, auteur de « littérature et sensations » (quel titre !), en 1954, de « poésie et profondeur », en 1955 , mais également d’ouvrages plus récents, chez verdier, dans lesquels il se penche sur des auteurs contemporains comme Marie Desplechins.

Faute d’arbitres avertis, la presse verse dans le petit sensationnel, le Monde publie ainsi, jeudi 2 juin, une prétendue enquête qui consiste à faire le tour de la rumeur pour constater, sans vraiment l’avouer, qu’il s’agit d’un tuyau crevé. Non, ce Joseph Andras ne cache pas un autre auteur tel Khamed Daoud, mais feignons d’y croire un peu, dans notre société faisandée où il faut bien vendre du papier.
Et voici que Pierre Assouline en re-gazouille une couche, sur twitter, toujours le jeudi 2 juin : « un coup de Tarnac derrière le mystère Joseph Andras ? Un collectif radical écrivant, pourrait être derrière l’auteur de « de nos frères blessés ».
Tout cela relève de la cabale des ignorants. Joseh Andras , qui ne veut rien lâcher de spontané, s’interdit de parler à la radio ou à la télévision. Chacun est en droit d’ironiser sur cette forme de constipation mentale. Pour autant, cela n’autorise personne à propager un délire sur-interprétatif. Joseph Andras, de surcroît, refuse toute conversation avec un représentant d’une presse écrite, ocultée, à ses yeux, par les capitaux. Point de vue difficilement contestable, tant des capitaines voire des chevaliers d’industrie ont fait main basse sur les journaux. Le romancier n’accepte donc que les interviews par courriels, ce qui nourrit bien des suspicions en retour.
Il se trouve que votre serviteur a parlé avec Jospeh Andras, à l’occasion d’un entretien pour Médiapart, mis en ligne mercredi 1er juin. Je fus le seul à être traité en interlocuteur, c’est-à-dire en « passeur », et non en simple boîte aux lettres. Nous nous sommes entretenus plus d’une fois au téléphone, et je peux ici affirmer, en connaissance de cause, qu’il s’agit d’une personne singulière, identifiable : Joseph Andras à l’oral est « raccord » avec le Joseph Andras à l’écrit. Alors, lisons ce qu’il a écrit de mieux jusqu’ici : « De nos frères blessés », aux éditions Acte Sud.  »

Eh ben, dites donc !

Alors là, j’ai envie de dire deux-trois trucs. Un, c’est que, lorsque j’ai lu le billet que Pierre Assouline a consacré au refus du Goncourt par Andras, je n’ai pas décelé une quelconque allusion au fait que ce serait Kamel Daoud qui aurait en réalité écrit le livre. Non. Pierre Assouline regrettait le refus du jeune homme en s’étonnant qu’un être si jeune soit si arrogant, et en relevant le mystère qui régnait sur son identité, point.

c’est dans les tweets que Pierre Assouline a commencé à faire planer un sérieux doute sur la paternité de l’ouvrage. Il a toujours employé le conditionnel, et s’il se faisait le relais d’une rumeur (il disait d’ailleurs que c’était une rumeur), on ne peut cependant lui attribuer, tout de go comme cela, la paternité de la rumeur. Après tout, de bonne foi, Pierre Assouline a pu ajouter foi à des rumeurs qu’il a entendues…

D’autant que, si Antoine Perraus a personnellement rencontré Joseph Andras, bibi j’ai personnellement, ici même, interpellé notre hôte sur la question : était-il suffisamment vexé pour vouloir du mal au jeune homme ? Certes, si la rumeur était vrai, les vertus de Joseph Andras pâlissaient rudement. M’enfin il n’empêche que le bouquin était bon, et que la « misère critique » que dénonce Perraud ne l’est pas tant que cela, miséreuse, puisque justement le livre a emporté le prix…

En fait, j’ai envie de dire à Antoine Perraud ce que j’ai dit à Pierre Assouline. A savoir que sans procès équitable et productions de preuves, tous les propos relèvent un tant soit peu de la calomnie.

Si Antoine Perraud n’a d’autres preuves que celles qu’il avance dans son billet, alors à son tour il calomnie Pierre Assouline, ou au moins il lui dénie la présomption d’innocence. Imaginons que Pierre Assouline prouve qu’il a entendu l’histoire de Tarnac au restaurant, avec tel ou tel, et qu’il ait simplement décidé de la relayer, en toute bonne foi. L’accusation de Perraud, à savoir que c’est SCIEMMENT qu’Assouline fait courir les bruits, pour se « réparer », tombe…

Sans compter que bibi, je lui ai carrément posé la question, et qu’il m’a calmement répondu que non, il n’était pas vexé…

Bref.

Et qui nous dit qu’Antoine Perraud n’est pas berné à son tour ? Le voici si flatté d’avoir été le seul interlocuteur autorisé par Andras qu’il ne peut même soupçonner ce dernier de perdurer dans son attitude mystérieuse… Parce qu’en fait, il y aurait bien un loup…

Bon, alors je me répète. Tant qu’on n’aura pas étayé les dires de l’un, ou de l’autre, par des preuves, tout restera incertain. Mais je maintiens que les tweets assouliniens étaient rédigés au conditionnel et avec points d’interrogations, alors que les accusations pernaudiennes sont à l’indicatif.

Par contre, là où les deux hommes sont carrément à l ‘opposé, et chic ! C’est quelque chose de facilement vérifiable, c’est sur la posture d’Andras face aux médias. Assouline nous a dit qu’ayant beau avoir refusé le prix, l’auteur ne s’en répandait pas moins dans les médias. Perraus affirme précisément l’inverse ! Là, nous pourrions vérifier nous-mêmes, non ?

Bon je vous laisse, je suis un peu amusée par toute cette affaire, assez découragée par l’aplomb des uns et des autres, et je m’en vais finir par l’acheter, moi, ce bouquin si ça continue. Comme ça je m’en ferais la critique à ma propre aune, en laissant les remugles du marigot à nos deux représentants…

Et ça me fait penser à Etienne et Jules, du si regretté Roger Riffard. Vous connaissez ?

 

Un jour, mon pote Etienne
Me dit sans préambule
Il faut que j' t'entretienne
De notre copain Jules

Certes, reprit Etienne
J'éprouve un grand scrupule
Et même de la gêne
A parler mal de Jules

Le diable, ajoute Etienne,
Me change en libellule
Si j'ai la moindre haine
Contre notre ami Jules

Mais voilà, fit Etienne,
Le secret qui me brûle
Prends-en bien de la graine
Et méfie-toi de Jules

Et d' la bouche d'Etienne
J'appris quelle crapule
Rôdait comme une hyène
Dans le cœur noir de Jules

Mais v'là que je trouve Jules
Place de la Madeleine
Trois jours après que j'eus le
Plaisir d'entendre Etienne

Du coup, j'apprends par Jules
Autant qu'il m'en souvienne
Quel vilain bruit circule
Sur le compte d'Etienne

Depuis lors, je stipule
Qu'on distingue avec peine
Le contenu d'un Jules
De celui d'un Etienne
Le contenu d'un Jules
De celui d'un Etienne

 

(remplacer Jules par Antoine, et Etienne par Pierre !) http://www.deezer.com/search/des%20jules%20et%20des%20%C3%A9tienne

Libre villanelle

Ca s'affolait dans la grande salle : j'y suis allée voir. Grands battements d'ailes, coups sourds de l'oiseau étourdi contre les vitres et les meubles... Et présence de deux Assassins, ce qui n'arrangeait rien aux affaires de l'oiseau... 

Non, ne vous récriez pas : ce sont vraiment deux assassins que ces deux-là, j'ai nommé le Gros Chat Roux et le Chien Fidèle.  En ce moment, dès sorti dans le jardin, Rouky n'a que ses griffes à cran d'arrêt à tendre, et il chope musaraignes et oisillons, à foison, et hier, un jeune loir. Quant à Ti'Punch, n'est-ce pas lui qui, en février, a tué un tout jeune agneau, comme ça, par plaisir ? S'il avait été  vraiment chien de berger, un tel meurtre lui aurait valu un coup de fusil, dans la grange. Mais, soupir, nous sommes contre la peine de mort, et avons changé le jugement en simple (mais formelle) interdiction de pré, à perpétuité...

Là, l'oiseau égaré dans la maison n'en menait pas large : le gros chat roux était déjà monté sur le dossier du  divan, et, fixant de ses yeux verts et cruels l'emplumé, il calculait son élan... Quant au chien, à la porte d'entrée, il suivait toute la scène en gémissant un peu, par convoitise de ce qui allait se passer...

Je suis donc intervenue, tel dieu retenant la main d'Abraham. J'ai crié après le chat, qui en a sursauté de surprise et a filé sans plus demander son reste. Intimé l'ordre au chien de sortir de la pièce. Ouvert en grand les trois fenêtres.

L'oiseau s'était réfugié derrière le secrétaire : j'ai poussé le meuble, pour lui permettre de passer plus facilement, et suis à mon tour sortie de la salle, en fermant derrière moi la porte vitrée. S'il n'était pas blessé, il saurait bien sortir tout seul. Sinon, il serait toujours temps de le prendre dans mes mains, et de tenter de voir ce qui n'allait pas...

Cinq minutes plus tard, je suis donc revenue dans la pièce. Plus personne derrière le secrétaire : très bien. Je me suis retournée : l'oiseau était là, posé sur la table basse, parfaitement immobile.

C'était une merlette, une jeune, au plumage brun. Tétanisée de frayeur, sans doute, et mes cris n'avaient sûrement rien arrangé... Je me suis adressée à elle le plus doucement que je le pouvais : "Oiseau, tu es libre, tu peux t'envoler maintenant". 

La merlette ne bougeait pas, sauf son oeil, qui me dévisageait. Avez-vous déjà été regardé par un oiseau ?  Ou plutôt, avez-vous déjà échangé un regard avec un oiseau ? C'est une expérience fascinante, à mon sens, car le lien, si improbable, si indéfini, si peu compréhensible de part et d'autre, existe bel et bien. Nous nous sommes vraiment regardées, la merlette et moi...

Elle restait toujours immobile, et je suis une humaine : j'ai avancé la main, toujours en parlant doucement, et le coeur s'est mis à me battre. Allais-je réussir ? Derrière nous, les trois fenêtres étaient largement ouvertes. L'oiseau allait-il me laisser le toucher ? Le prendre ?

Je voyais, dans la glace qui recouvre la table basse, le reflet compact de la merlette, et l'ombre de ma main qui avançait vers elle...

PFFFRRRTTT...

A la dernière seconde, l'oiseau s'est envolé.

Soupir. La mansuétude n'est pas toujours récompensée...

(Je me suis consolée avec Berlioz : cliquer ici !)

 

Merle noir rele 1p

 

 

 

 

 

trois petits tours...

J'ai vécu tour à tour trois jolis moments, cette fin de semaine.

 

Le super petit film-bijou "les pieds dans le tapis" : ça se passe en Iran et en France, et si c'est une réussite, c'est qu'il y a quelques solides raisons à cela : il témoigne complètement de notre temps, notamment le « rétrécissement » de notre planète, mais en positivant ce phénomène ; pas question ici de regretter le brassage des populations, le terrible et redoutable « choc des civilisations » comme dirait un Finkielkraut. Ici, vive le cosmopolitisme ! Vive la vie !

– c’est une sorte de « tour du monde » que nous faisons en une heure et demie, à condition d’exclure les états-unis de ce tour de monde, et d’accepter l’idée que son centre soit situé à… Brive-la-Gaillarde (!)

– rien n’est occulté dans ce film : ni la mort, ni la maladie, ni les difficultés sociales (des grévistes non payés depuis 6 mois…), ni la rigidité d’une société bloquée (la formidable scène des fiançailles), et pourtant tout devient aimable, et surtout les iraniens…

– quant au travail sur les préjugés, il est formidable. Je ne crois pas avoir déjà assisté (sauf peut-être dans Borat) à un tel jeu de massacre (dans le bon sens du terme) , mais, contrairement à Borat, précisément, le registre ici est si léger et plein d’humour que rien n’est asséné, tout est suggéré !

– le film est évidemment complètement féministe. Le moment disons « hot » du film, avec l’attente d’une scène d’amour, est traité comme je ne l’ai pas encore vu, et c’est irrésistible d’après moi.

– la mise en scène est enlevée – même si le procédé des appels téléphoniques a déjà été vu ailleurs, il est ici comme le reste : à sa place. Et les autres gags visuels (notamment le dernier) sont très réussis.

– quant à l’interprétation ! Le personnage de la mère demandait une interprète à la hauteur : l’actrice, c’est peu de le dire, est formidable, c’est juste l’élégance incarnée, et la maîtrise de soi. J’ai encore dans la rétine les gestes de sa main, quand elle renonce à comprendre quelque chose (ou qu’elle fait mine de renoncer, parce qu’en fait on sent que cette femme ne renoncera jamais !)

– la blondeur de la Briviste ne m’a pas dérangée, au contraire, car elle souligne le contraste entre le « noir iranien » et la « lumière » de la « doulce France ».

– et enfin, et en effet, comment ne pas chavirer en entendant le poème (sublime) d’Hugo, dit si magnifiquement par Villermoz ?

Un film qui a abordé tous les sujets douloureux de notre temps (l’embargo, tenez) et dont on sort avec le sourire, le coeur léger, et amoureuse ? Mais on en redemande !

lien ici : http://www.arte.tv/guide/fr/057873-000-A/les-pieds-dans-le-tapis

 

Le deuxième joli moment fut, hier au soir, la conférence gesticulée de Manuel Moreau sur le thème des "trois petits cochons" : c'est drôle, pédagogique, superbement joué, politisé et plus que sympathique. Si toi aussi, entre toutes les matières, c'est la ouate que tu préfères, fonces-y.

 

lien ici :https://www.youtube.com/watch?v=Pys8hh7BTBg

 

Enfin, ce matin, j'ai visité une charmante maison à ossature bois, isolation thermique +++, pompe à chaleur, récupération des eaux de pluie : grande, spacieuse, lumineuse, dans les frondaisons, ni tapageuse ni ostentatoire mais pleine de charme : oui, cela peut exister, et c'et même l'avenir...

 

 

le courage des oiseaux

Je pense au courage des oiseaux : la pluie de ce printemps, froide, épaisse, et continue, ne doit pas leur rendre la vie plus facile que ça. Et pourtant, dès qu'ils le peuvent, sans attendre que les arbres, l'herbe, le jardin, aient eu le temps de s'essuyer, dès la dernière goutte tombée et en attendant la prochaine averse, les voilà qui lancent leurs appels et leurs chants, au-dessus du jardin détrempé et des flaques d'eau encore stagnantes.

Les plantations, elles, n'ont pas cette volonté : les roses trémières, encore à l'état de projet, vont avoir du mal avec la moisissure qui plombe déjà  les larges feuilles. Quant au potager...

Une dizaine de départements, nous dit la météo, sont en alerte (pendant qu'ailleurs dans le monde, une terrible sécheresse s'abat, notamment sur l'Inde, et que la famine s'installe à Madagascar), et pendant que je vous écris,  en face de moi, une longue dégoulinure humide vient endeuiller le mur - pendant l'averse, il nous faut mettre un tupperware en-dessous de la fuite, endémique à cet endroit de la toiture (une dizaine de traces  sombres, autour du recoin où mon bureau est installé, en témoigne, et même si les dégâts des eaux ne sont pas très graves, se réduisant à quelques traces, le "ploc-ploc" de la goutte tombant dans le récipient n'est pas sympathique à mes oreilles) :  Clopin combat cette fuite  avec la même vaillance que les oiseaux, certes, mais lui est obligé d'attendre "que ça s'arrête" avant d'envisager la moindre intervention.

A chaque fois, on tente de se rassurer : cela arrivait aussi, avant le dérèglement climatique... Mais bof, cette pensée-là ne m'aide pas beaucoup.

Je préfère tendre l'oreille au chant des oiseaux : tant qu'eux tiennent le coup, n'est-ce pas ?

 

Dominiqualité...

 Ce que j'aime le plus en avril-mai-juin, ce sont les matins du dimanche. La route qui va à Neufchâtel est bien moins fréquentée, et du coup, les chants des oiseaux du jardin sont d'autant plus perceptibles. Aujourd'hui, après les orages des jours derniers, la brume s'est installée et l'atmosphère n'a pas la cristalline légèreté de l'habituel  mai, mais n'importe : la fenêtre a laissé entrer, à l'aube, un tel pépiement que je me suis levée, pour mieux écouter ça.

               

Je ne connais pas assez le chant des oiseaux pour repérer, comme certains amis de l'A.R.B.R.E, les espèces à leurs différentes prestations . Mais je sais qu'à Beaubec, nous avons des passereaux de toute sorte, ainsi que d'autres sortes d'oiseaux  : mésanges mais aussi troglodytes ou rouge-queues, pinsons et coucous, moineaux friquets  et gobe-mouches, tourterelles turques aux roucoulements mouillés et coucous aux deux notes répétées... Nous avons aussi les chouettes effraies (trois nouvelles petites recrues habitent l'abri aménagé par Clopin), les pies aux costumes d'un monacal  noir et blanc, les étourneaux qui viennent parfois se rassembler en haut des peupliers, en dortoirs bruyants avant la nuit. Des hérons et des cigognes, dont une remarquable car noire, survolent parfois nos prés, tout comme les oies sauvages qui barrent, au moment des migrations, le ciel de l'aile  en  "V" de leurs formations : escadrilles pacifiques, celles-là, et dont la mouvante beauté ne dure que le temps d'un  battement d'ailes sur le bleu céleste, signe  qui s'évanouit et se renouvelle, "mobilis in mobile" lui aussi !

Je me souviens de ce passage dans Giono, où un paysan, volontairement, jette du blé sur le sol, "pour que les oiseaux reviennent" : hélas, notre blé d'aujourd'hui aurait-il le même effet, alors que, les savants nous le disent, les oiseaux d'Europe connaissent une effrayante régression, dûe à l'agro-chimie ?

En tout cas, dans la demeure de Clopin, pas de danger de disparition : les oiseaux font un tel tapage qu'on ne peut ignorer leur existence...

(et dire qu'à Rouen, dans les minables piaules où j'habitais, jeune fille, j'étais réveillée par le grincement métallique, grinçant et répétée du camion poubelles brinquebalant de droite et de gauche... )

les butins de Clopin

Eh oui, Clopin est un voleur ! Tout apiculteur l'est un peu, puisqu'il s'agit de piquer aux abeilles (tout aussi butineuses que lui) le miel que ces admirables insectes confectionnent... Mais Clopin est AUSSI un mec de l'image : alors, non content de faire dans l'apicole, il fait aussi dans le reportage sur mesure... Et ça donne un clip-clap qui vient enrichir la caverne d'Ali-Beaubec, là où est entreposé le butin de Beaubec Productions  !

        

En fait, les images étaient engrangées depuis l'été dernier, à ma demande. Je voulais les illustrer par une musique entendue sur France Musique l'année dernière, mais je n'ai trouvé personne pour me donner les renseignements nécessaires (et pourtant, je suis allée jusqu'à téléphoner 6 fois aux services des auditeurs de france mu, et j'ai envoyé une lettre avec une enveloppe timbrée à mon adresse : peine perdue ! Soupir)

Et puis, cette année, j'ai écouté  une nouvelle musique (moi aussi je butine !)  qui m'a fait penser aux rushes inemployés : on a essayé avec Clopin et bingo ! Ca fonctionne !

Je dédie donc le clip-clap à deux entités :

- à Jacques CHESNEL, dont la passion pour le jazz ne s'est jamais démentie

- aux abeilles butineuses, qui ont sacrément le moral, puisqu'elles continuent à survivre aux lobbies de l'agro-chimie, et aux "élus républicains" qui ne butinent pas, eux, mais qui lèchent le cul  des lobbies sus-nommés  (voir la décision du Sénat de continuer à autoriser l'utilisation du round-up de Monsanto...)

Et pour les lecteurs de ce blog, ils auront bien compris qu'en butinant ces images, ce n'est pas seulement un peu de miel que Clopin aura mis en pot. Il s'agit aussi de ces belles fins d'après-midi d'été, où je prépare le repas du soir en écoutant Onfray, sur France Culture, me parler philosophie, pendant que les abeilles récupèrent le miel resté au fond des hausses, après la récolte. Un de ces moments hédonistes, aussi parfait qu'une alvéole emplie d'ambroisie, qui éclairent parfois, pendant quelques secondes trop vite envolées, le cours de nos vies...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

la Grève...

Demain je vais faire grève... Mais. Ben oui, il y a un "mais" : et  ce n'est pas celui de 68...

Je m'explique. J'étais trop jeune en 68, mais cependant, quand je repense aux photos de ce temps-là, c'est la bouille réjouissante de Cohn-Bendit narguant un CRS que je revois. Je crois que tous se souviennent de ces photos là :

 

Sindaco1

Dany mai 1968

 

Ah, certes, il devait être être bien agaçant, ce jeune homme... Mais on ne peut lui retirer une chose : il s'amusait. Il était narquois, provocateur, insupportable... Et rigolard...

Eh bien, vous pouvez toujours chercher dans les cortèges d'aujourd'hui : ça ne rigole plus. Du tout.

 

 

 

 

Réhabilitation du capitaine France

Enfin ! sur le blog du "Fou de Proust", Patrice Louis, j'apprends qu'Anatole France a été cité par Xavier Dolan, à Cannes... Commencerait-on à réhabiliter cet écrivain ? J'en serais enchantée, parce que je trouve qu'on la fort injustement traité, celui-là.

D'ailleurs, il y a dix ans, je lui avais écrit une lettre, qui est passé sur le site "bibliobs" du Nouvel Obs. Du coup, ce matin, je suis allée la relire : eh bien, je pense toujours la même chose... Voici ce que j'avais écrit :

 

Cher Maître (je n’ose vous donner du « Cher Anatole » )

Vous êtes mort, bien mort, on ne peut plus mort. J'en suis si désolée pour vous que je vais vous dévoiler le secret de votre trépas, si les anges ne l'ont déjà colporté jusqu'à vos oreilles à l'aide de leurs harpes célestes: ce sont ces salopards de surréalistes qui ont jeté, encore et encore, des pelletées d'outrages sur votre tombe illustre.

Pourtant, votre repos éternel avait bien commencé: vos funérailles furent nationales, et grandioses. On n'avait pas vu ça depuis Victor Hugo. Et de votre vivant, vous aviez récolté maintes couronnes... Mais voilà. Wikipédia (nous dirons que c'est le nom d'un célèbre documentaliste du 21è siècle, pas toujours fiable au demeurant) est formel à votre sujet:

après sa mort, il [vous-même, donc, ndlr] est la cible d'un pamphlet des surréalistes, "Un cadavre qui ne ménage personne", auquel participe Aragon avec un texte intitulé: "Avez vous déjà giflé un mort?" dans lequel il écrit: “Je tiens tout admirateur [de vous, donc] pour un être dégradé. ”Pour lui, "il" est un exécrable histrion de l'esprit, représentant de l'ignominie française. Gide le juge un écrivain “sans inquiétude” qu'“on épuise du premier coup.” Sa réputation devint ainsi celle d'un écrivain officiel au style classique et superficiel, auteur raisonnable et conciliant, complaisant et satisfait, voir niais».

Allez ne pas vous retourner dans votre tombe, après ça : de quoi vous gâcher l'au-delà, à coup sûr, et raréfier les visites que vous pourriez y recevoir. Et pourtant, je vous le dis tout net, vous êtes à mon sens la victime d'une injustice flagrante et qu'il faudrait réparer.

Comment en suis-je arrivée à cette conclusion, alors que d'autres illustres oubliés, comme Paul de Kock tenez,  ou Novalis, me laissent indifférente? Par hasard, bien sûr, il fait généralement bien les choses. Figurez-vous, cher Anatole (allez, je saute le pas), que j'ai eu la chance de tomber sur vos ouvrages, lors d'une expédition dans un grenier, au moment précis où mon goût se formait, presque malgré moi, et où j'acquérais une sorte de petite conscience personnelle, qui me faisait douter du «littérairement correct» de l'époque et me fier à mon propre plaisir. Et du plaisir, vous m'en avez donné. Vous m'en donnez encore. Vous êtes un des rares qui m'accompagnez depuis toujours, depuis mes seize ans, et que je sens toujours plus proche de moi.

Bien plus: je n'arrive pas à haïr votre langue, dite «classique» (vous étiez nourri de grec) mais que je trouve surtout limpide, coulante, légère, ironique, belle en un mot. Non que les âpres écrivains de ma jeunesse, à la recherche du degré zéro de l'écriture aient été dénués de toute pertinence et de tout talent. Je pouvais me plonger dans un Butor, comme en apnée et déambuler, muette d'admiration, dans les entrelacs mentaux d'un Roland Barthes... Mais votre langue à vous, mon cher Anatole, est cependant une de mes préférées.

Vous, vous étiez un grand'père malicieux et tendre, aux pieds duquel je pouvais toujours venir déposer mes petits chagrins, et m'en bien trouver, réconfortée et divertie, dans le plus noble sens du terme. J'ouvrais votre «Thaïs», qui commence par un ironique désert... tout peuplé -d'anachorètes il est vrai. Je souriais aux désirs de Jean Servien, je me réchauffais à la rôtisserie de la reine Pédauque et trouvais que, ma foi, votre bibliothèque où les chats passent parmi les livres était un endroit où j'aurais bien aimé vivre. Du diable si je ne le pense pas encore...

Quand j'ai grandi un peu, il le faut bien, et vous, l'auteur du si charmant «Livre de mon ami» qui vaut bien tous les Pagnol -et de loin-, le savez mieux que quiconque, j'ai commencé à avoir la plume qui frétillait. Si personne n'osait s'en moquer ouvertement devant moi, l'indifférence et l'incrédulité ont cependant accompagné mes premiers pas. J'ai passé outre, en pensant à vous.

Après tout, serait-ce un crime aussi grand que celui de Sylvestre Bonnard, que je le commettrais quand même. Plus personne n'écrit, plus personne ne peut écrire comme cela, me dit-on. Et pourquoi, au fait? Ma manie, puisque c'en est une, ne fait de mal à personne. Et si elle peut vous apaiser, vous tout malmené dans votre tombeau, et vous dire que bien sûr, on peut vous lire encore, et en tirer grand profit, au point d'espérer manier un jour une langue aussi pure que la vôtre, eh bien, ce serait déjà cela de pris. Je n'arrive pas, en effet, à vous mépriser, ou à vous refuser mon admiration. Et moi qui suis bien peu nationaliste, je vous avoue que c'est surtout grâce à vous, et à votre nom, que j'accepte de me sentir française, cher Anatole!

Clopine Trouillefou

 

Déruchage...

Du coup, l'idée émise tout juste hier  a fait son chemin : un petit dérushage des images prises l'année dernière - je sais que c'était août, parce que c'est le mois où France Cul rediffuse les cours de l'université d'été d'Onfray - , un recours à ce vieux loup de mer d'Henri Texier (son nouvel album en hommages aux indiens d'Amérique est juste parfait), un réalisateur préféré, favori et surtout... unique, disponible pour cause de pluie de printemps, et voici un clip-clap sur le travail des abeilles, après la récolte...

Et je peux vous dire que dans le genre "recyclage", les insectes nous battent à plate couture. Franchement, ce n'est vraiment pas leur faute si les abeilles disparaissent : parce qu'à part les poisons variés que l'agriculture "moderne" leur injectent, elles sont vraiment capables d'absorber tout le reste !

bzzz, bzzz, bzzz...

"Aller faire un tour". Quand Clopin me suggère inaimablement une telle activité, c'est que l'énervement n'est pas loin, voire qu'il est d'ores et déjà bien là... Oh, je peux le comprendre, notez, on peut toujours ! Mais pourtant, cette suggestion ne fait que répondre à la mienne : à savoir construire une "vraie" miellerie.

Pour Clopin, c'est absurde : il ne récolte le miel que deux fois  par an, en gros une petite  journée chacune :  construire une miellerie "pour si peu" serait absurde.

Pour moi, c'est autre chose. Je ne suis ni spécialement peureuse, ni allergique, mais enfin les hausses sont stockées, à chaque fois, dans la cuisine. Et, en pénétrant dans la pièce, on entend le bruissement des abeilles enfermées dans les cadres, plus toutes celles qui volètent ici ou là, attirées qu'elles sont par le butin qu'on vient de leur faucher, sous leur nez...

Certes, à la question "tu t'es déjà fait piquer ?" La vérité m'oblige à répondre que "non". Et pourtant : je participe parfois au déoperculage des hausses, à leur placement dans la centrifugueuse, à la récupération du miel  - avant d'attendre pendant deux ou trois jours que le tamisage s'opère. Mais il est vrai que,  dès après la mise en pots, Clopin place tous les instruments derrière la maison : les abeilles viennent lécher le tout, rendant tous les instruments aussi brillants que s'ils étaient neufs, et l'affaire est close.

Mais je ne suis pas tranquille pour autant. D'abord parce qu'il y a des personnes allergiques, qui pourraient être gravement atteintes - le grand frère du Clopinou, par exemple, développe à chaque piqûre un magnifique oedème de Quinck. Ensuite parce que le  vombrissement des insectes, qui semble pacifique aux oreilles de Clopin voire signe de récolte abondante, m'atteint, moi, comme un signal de danger.

Mais le miel est à ce prix Je pourrais certes réclamer que les allers et retours avec les hausses s'opèrent les jours laborieux où le travail salarié me retient loin de la maison... Et pas le samedi... Mais enfin, Clopin est Clopin : il fait passer ses impératifs (notamment ceux de la météo et de son agenda) avant le reste...

Et puis il n'y a pas que des inconvénients aux récoltes. L'odeur de miel est prégnante, généreuse, très spécifique. Et le miel lui-même, quand il coule dans les pots, est d'une couleur d'ambre dorée dont, personnellement, je me lasse pas ! Enfin, le ballet des abeilles est une chose confondante, à mes yeux.

Alors, pour compenser les inconvénients, j'ai demandé à Clopin de filmer les travailleuses : promis, je vous ferai partager ça - et sans aucun danger pour les "derrière l'écran" que vous êtes...

 

(mais peut-être, un jour, une petite  miellerie... Non, vraiment ?)

 

 

 

affolement angoisse anxiété épouvante crainte effroi frousse horreur trouille vertige

J'ai souvent eu peur, dans ma vie. Petite, je craignais à la fois les monstres et les insectes, les échelles trop raides et le loquet impossible à rouvrir de la porte des cabinets. Grande, le vertige ne m'a pas quittée, me bloquant dans l'escalier de la tour de Delft ou sur la  promenade au bord de la falaise d'Etretat. Mais j'ai cependant appris à distinguer les peurs vraies des fausses, les paniques des chimères et des appréhensions.

Et il est des peurs qu'il est assez facile de vaincre, de toute façon : celles qui, de tout temps nécessaires à la survie de l'espèce, sont causées par un danger réel ; il suffit d'ôter le danger, et la peur disparaît. La difficulté réside certes dans ce "il suffit", parfois malcommode à atteindre certes, mais le soulagement, lui, est facilement vérifiable.

Mais voilà que mes peurs changent, se modifient. Je n'arrive plus à identifier correctement, me semble-t-il, le danger. Il n'a plus une forme de gouffre, ou n'apparaît plus comme une énorme vague, à l'horizon. Il s'insinue désormais partout, dans le voile d'une jeune anglaise black de 17 ans, à la religion ostentatoire, dans le graffiti raciste de la cage d'escalier du parking, dans le sac posé sur le quai de la gare...

Plus cela va, plus c'est contre cette peur-là, et ce qu'elle peut engendrer, qu'il me faut me battre. Et je constate, là encore avec effroi, que la peur insidieuse ne peut laisser place à un franc soulagement : il reste toujours une ombre, celle de Charlie, et de tous les autres, derrière l'épaule...

En fait, on ne vainc pas cette nouvelle forme de peur : tout au plus peut-on arriver à l'effriter. C'est la seule manière de la combattre. Ne pas la nier, ne pas chercher à l'affronter directement, mais la démonter petit morceau par petit morceau, la réduire à chaque pas d'un infime lambeau. La circonscrire...

Effriter la peur, de cette façon-là, de cette seule façon-là : travail aussi minutieux que patient. Mais c'est le prix à payer de la violence éternelle...

 

 

Expérience contradictoire

Photos

La preuve est là : les gens ne voyagent plus pour regarder, mais pour prendre des photos... L' énorme erreur  que j'avais donc commise, en suggérant à Clopin une visite à Giverny en pleine Pentecôte, c'est-à-dire là où l'affluence est, de toute l'année, une des plus fortes, était donc source d'une expérience  pleine d'enseignement  : plonger  ce jour-là, en 2016, un photographe sur les terres de Monet (Money ?) , c'était l'exposer non seulement à une marée humaine, mais  en plus une armée humaine armée d'appareils photos.

De quoi être narquoise, moi qui n'ai JAMAIS pris de photos : pour une fois, le regard singulier était de mon côté, et non du sien. Partout où il braquait son appareil,  il était précédé  !  Aucune chance, apparemment, d'ajouter quoi que ce soit de pertinent ou de personnel  à ce raz-de marée d'images, toutes les mêmes, toutes tentatives de capturer quelque chose de l'ordre de l'universel : le jardin d'un peintre...

Les prospectus nous demandaient de "nous projeter" à l'époque du peintre, quand sa grande famille entrait et sortait de la maison verte, se répandait dans les jardins, pendant que la pièce d'eau prenait forme : mais comment faire, bon sang, quand le site est si peuplé qu'il faut toute la beauté des fleurs, le sineux des allées, les oiseaux présents, pour conserver une toute petite apparence de paix ? Certes, à Giverny, les enfants sont moins excités qu'au parc Astérix, et disons que tous ressentent la nécessité d'éviter les papiers gras par terre, les interjections sur fond de bonnes blagues - tous, ici, même se pressant, inévitables, sur le petit pont japonais, tentent de faire sourire leur âme...

Mais tous aussi cliquent à perdre haleine...

 

Images

 

Qu'allait donc faire Clopin ici ? Il existe une toile de Jérôme Bosch, "l'enfer musical" - nous n'étions pas loin, ici, d'une sorte de paradoxal "enfer des images". Pardoxal, parce que malgré tout, le jardin de Giverny est irréductible, et garde sa beaué - mais qu'est-ce que Clopin allait bien pouvoir faire de tout cela ?

J'eus la réponse assez rapidement :

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Ceci est destiné à "contourner" la modération assoulinienne

Que ceux qui ne comprendraient rien à ce qui va suivre se rassurent : tout va bien, et l'article du j our concerne une discussion qui, en réalité, se passe ailleurs. Je poste ici uniquement pour contourner une modération eu peu trop étrange dans ses atermoiements !

 

Et pour ceux qui suivent :

 

Je vais parler d’autre chose, parce que le billet de notre hôte me gêne : il y a dedans du « ressentiment de juré Goncourt qui a mouillé la chemise pour une oeuvre et qui voit dédaignée, à travers le refus de son prix, l’aimable corporation à laquelle il appartient désormais », et puis plus je vieillis, moins je supporte qu’on reproche à quelqu’un d’être jeune. Ce n’est pas un argument : Adam Nemo (ou Joseph Andras) ne semble pas poussé par cette jeunesse, mais par d’autres considérations. Lui retourner donc l’arrogance (qui serait l’apanage de la jeunesse) est donc un procès d’intention. Perso, j’ai de plus en plus de bienveillance envers les jeunes gens, garçons et filles, parce que mon coeur se serre souvent en pensant à ce que ma génération leur laisse en héritage : des illusions désillusionnées, et un monde triste où la terreur et le fanatisme rôde, sur fond de montée d’extrême-droite. Bon, d’un autre côté, je ne suis pas au courant de tout, hein, m’enfin avec la photo et le pseudo, et le nom de l’éditeur, le secret de l’identité me semble déjà compromis…

Point si naïve...

Il était temps de quitter Marseille, que j'inscris donc  désormais, sur la liste des "villes où j'aurais pu habiter", à côté de Venise, Quimper ou Prague (mais pas Paris !). Peut-être ce choix peut-il faire sourire : mais je ne suis pas si naïve  -  je ne sais si mon séjour aurait été le même si j'avais été une touriste disons marocaine, ou algérienne,  ou  si mon teint avait été un tant soit peu basané...

...

Mon livre de chevet était celui de Pujol "la fabrique du monstre", et je n'ai pas poussé mes pérégrinations, c'est vrai, dans les quartiers nords, ceux-là même où, d'après le Maire, tout ne va pas si mal, puisque, n'est-ce pas : "tant qu'ils se tuent entre eux"... Ce cynisme n'est pas le mien, mais il est sûr que cette violence-là, causée AUSSI par le clientélisme et la corruption qui gangrène la classe politique des Bouches-du-Rhône, ne rend pas Marseille spécialement attirante. Et ce n'est pas la boutique de l'OM, en plein centre ville, ni  les avis des cafés qui répètent  à l'envi  qu'"ici, les matchs sont visibles en direct", qui pourraient me pousser à m'installer : disons que cela me laisse froide...

Alors quoi,  si l'on met de côté  la gentillesse constante qui a accompagné nos pas ici ?

 

Eh bien, malgré le froid auquel la normande que je suis ne s'attendait pas, malgré  le désordre des rues (une seule journée de grève, et la ville entière semblait jonchée d'ordures...),  malgré la tension parfois palpable (sur la place Jean-Jaurès, à côté du cours Julien, il est quatorze heures, des gamins  trottinent  devant la fontaine, des gratteurs de guitare posent leurs culs sur les rebords des trottoirs et y vont de leurs accords vigoureux, une dame promène son chien,  tout semble bien aller et puis voici qu'un type tangue et éructe, lance violemment sa bouteille vide qui atterrit pile aux pieds des minots, et voilà que la large place circulaire me donne l'impression de rétrécir à toute vitesse, de tournoyer sur elle-même en laissant voir  la violence sociale à peine  enfouie, comme un jet de pierre,  tombant dans l'eau dormante d'une mare, trace à l'inverse  des cercles concentriques d'herbes verdâtres et  fait remonter des  remugles d'eau moisie...), malgré la rectitude des imeubles de Pouillon reconstruits après guerre, qui  n'invitent pas à la rêverie dirons-nous, malgré leurs beaux matériaux et leur emplacement choisi, qu'est-ce qui fait que Marseille m'a touchée ainsi en plein coeur ?

Les cortèges syndicaux  qui manifestaient cette semaine-là, par deux fois, n'étaient certes pas si différents de ceux auxquels j'aurais participé à Rouen, si je n'étais pas partie...

Mais il y avait ici une vibration, une énergie, qui m'attiraient, qui m'attire. Mon bout de campagne, là haut, est si paisible, si "endormi", si épais aussi. Marseille, elle, gueule peut-être, gronde et souffre,  mais elle est vivante, peuchère !!!

 

Faut que ca pete

 

Et puis comment oublier  la mer, n'est-ce pas, "toujours recommencée", vers laquelle nos pas nous ramenaient toujours ? 

Mais je crois que ce qui  a pesé  le plus dans la balance de mon attirance, ce  qui peut faire  rêver comme rêvaient sûrement Gyptis et Protis, c'est le ciel de Marseille. Ce bleu éblouissant et dur, qui rend les pierres terrestres, par contraste, blondes comme le plus fin des sables, ce bleu profond, azuré, qui n'a rien à voir avec le bleu laiteux qui chapeaute l'ardoise grise des maisons de chez moi, celui-là, il n'y a que là, à Marseille, que je l'ai vu : et ce bleu outrepasse sa condition, ce n'est plus une couleur, c'est un drapeau, qui claque comme  une chanson -  et  pendant que je vais reprendre mon train à la gare Saint-Charles,  je vous laisse deviner laquelle.

 

FIN (mai 2016)

 

Pas perdus (pour tout le monde...)

Nous avions arpenté la ville en tout sens, monté et descendu des rues larges ou étroites, taggées à mort et colorées à souhait,  pris des bus (étonnamment peu chers) vers des villages lointains adossés aux collines chères à Pagnol, parcouru la longue corniche qui ceinture les beaux-quartiers, avions maté (pas d'autre terme) les candides baigneurs des calanques reculées, nous nous étions intéressés à l' histoire grecque et romaine de la cité, à ses vestiges, aux immeubles des quartiers vidés et détruits par Hitler, à ses musées accueillants et diserts, bref, du tourisme, quoi... Mais au fur et à mesure que les jours passaient, j'aimais de plus en plus la Ville, et je m'y sentais mieux.

 

Marins

D'abord par comparaison : contrairement à Paris, où l'argent  s'étale, indécent et boursouflé, dans des vitrines luxueuses  où les étiquettes donnent le vertige, Marseille, elle, sait rester populaire et modeste. Conséquence ou cause de la présence, en plein centre ville, de "vrais gens", des "gens de peu", de ce peuple que tant d'autres villes exilent à leurs périphéries ? Je ne sais, mais en tout cas,  si  je n'ai pas vu, à Marseille, de trop somptueux édifices (à part la Bonne-Mère, of course !) comme Paris en regorge,  j'en ai senti la chaleur humaine, omniprésente,  qui compensait la brutalité du mistral, et que je n'avais jamais ressentie ainsi, au travers de la sociabilité compliquée, bougonne et distante de mon froid pays de Bray...

En vérité, nous étions ici entourés de prévenances et d'attentions. Il suffisait de prendre un petit-déjeuner dans un café arabe de Belsunce, parmi ces hommes seuls dont la présence m'avait tant frappée à mon arrivée, et nous recevions de larges sourires qu'on sentait sincères, et une reconnaissance spontanée et immédiate, comme si nous étions nous aussi d'ici... Le moindre pot, dans un bar, pouvait tourner à une discussion paisible et aimable autour de n'importe quel sujet. Je me souviens d'un patron de bar, chrétien époux d'une musulmane, qui opposait à notre athéisme l'argument commun : "sans religion, pas de valeur morale, et comment dans ce cas contenir l'égoïsme, la cupidité, le chaos ?", sans savoir qu'il débattait là d'un sujet jadis exploré - et résolu - par un Baruch Spinoza passible, pour cela, d'un sévère hérem... Que cette ville était donc aimable !

Enfants

Et puis il y a eu cette soirée dans le quartier -jeune et branché- de la Plaine, où j'ai eu le grand plaisir de retrouver une "vieille" copine de ouèbe, Frosine à la quarantaine aussi intacte que sa trentaine, où je l'avais rencontrée. Nous avons dîné, avec elle et sa compagne,  dans un bon restaurant indien, mais nous avions beaucoup à nous dire, et peu de temps : la gastronomie en a souffert, car du coup, pressée par le besoin d'échanger, je n'ai pas apprécié à leur juste valeur la multitude de plats qui nous étaient servis...

Qu'importait, puisque  j'avais enfin compris que le trésor de cette ville, c'était ses habitants. Jusque dans notre petit hôtel-auberge de jeunesse, ce "Vertigo" perché tout en haut de la rue des Petites Maries, où  les rencontres se multipliaient. L'organisation de ce modeste établissement nécessite la présence constante d'un agent d'accueil. Ils sont donc trois ou quatre à se relayer jour et nuit, et tous (notamment le plus présent et le plus constant d'entre eux, j'ai nommé le jeune Sébastien) absolument serviables et charmants. Sébastien était sollicité sans arrêt par les multiples arrivées et départs, jonglait entre l'anglais, l'allemand, l'espagnol et le français, guidait les jeunes filles (ah ! Quel plaisir de croiser des voyageuses solitaires, organisées et décidées...) dans le dédale des chambres, indiquait le meilleur  des couscous du quartier, intitulé "Sur le Pouce", où l'on vous servait en 10 minutes  une assiette copieuse à souhait, pour un prix défiant toute concurrence... J'ai rarement rencontré un jeune homme plus à l'aise dans ses fonctions, qu'il adorait visiblement. Il s'occupait aussi du  petit bar, où l'on peut boire la bière et le vin rosé  "les moins chers de Marseille"... Je m'y attardais souvent, le soir, quand l'activité commençait enfin à se ralentir, et nous avons beaucoup  discuté Sébastien et moi, de tout, de Marseille, de Gaudin et des bobos, des nuits debout et des petits matins,  de nous-mêmes enfin... Les barrières qui auraient pu exister (- l'âge, le sexe, le statut-) n'avaient même pas eu le temps d'être construites que nous avions, lui et moi, sauté par-dessus tels deux cabris ! Et l'embrassade d'adieu était sincèrement amicale...

 

(la suite à plus tard)

 

 

intérieur jour...

 Si l'adhésion de Clopin  au Mucem a été immédiate, et s'est traduite par une cascade de prise de vues, comme celles-ci :

 

Ombres mucem 2

 

 Algerie ferries

 

Mon sentiment, lui, a été beaucoup plus mitigé : certes, ce musée flottant, caché  derrière le fort Saint-Jeanet   ne se découvrant  qu'au dernier moment, relié à la terre par de simples  passerelles,   comme  un bateau  tout prêt à rompre ses amarres en (re)partance pour l'Asie Mineure, est une prouesse architecturale, je le veux bien ... Mais c'est aussi un simple parallélépipède rectangle, noir,  massif,   abrupt, qui, par résonance, m'évoquait la kaaba de la Mecque. Et si le jeu infini avec la lumière et les couleurs de l'eau, du ciel, des pierres blondes du port et du ferry pointant vers l'Algérie  enivrait Clopin, j'y voyais, moi,  les ombres multiples et protéiformes de toutes les femmes soumises, derrière les moucharabiehs de l'enfermement. D'où léger malaise : certes, s'il faut parler de "culture méditerranéenne", sans doute tous ces éléments sont à la fois pertinents et "identitaires" -  et, en plein été, le patio ombragé doit être un vrai lieu de délices et de soulagement,  un recours contre l'intensité de la chaleur et des couleurs, mais cependant, je me sentais comme oppressée, mise en cage...

L'exposition permanente ne m'a pas convaincue non plus. Oh, on comprenait bien le propos : rassembler en un seul lieu de multiples exemples, géographiques, historiques, sociologiques,  des trois fondamentaux méditerranéens :  les céréales, le vin, l'olive... Mais, pour moi, rien ne surgissait de cette sorte  d'entassement hétéroclite  qui faisait voisiner une hutte grecque et un sarcloir marocain, une roue à aubes du troisième siècle et une moderne noria, rien qui aurait pu  améliorer ma compréhension de ce monde-ci... Heureusement, les expositions temporaires : Picasso et les objets du quotidien (la période Vallauris, surtout) et le colonialisme du 19è siècle en Algérie (via les cartes établies par les colons, et les documents qui étalaient, dans une splendide naïveté contente d'elle-même, les instruments de la domination française) ont, elles, tenu leurs promesses. Rien que pour elles,  j'étais contente d'être venue à Marseille...

Et j'allais l'être de plus en plus, au fur et à mesure de notre séjour. La visite au Mucem a été comme un palier, une marche qu'il m'avait fallu enjamber avant de pénétrer plus avant dans la ville la plus méditérranéenne que j'ai jamais visitée : et toutes les impressions négatives de mes premiers pas allaient bientôt céder la place à une sorte de sentiment très doux, un peu tendre même, qui allait enrober mon passage dans ces lieux...

 

(la suite à plus tard !)

 

extérieurs jours...

Comment tenter d'appréhender l'âme d'une ville, alors qu'on n'y est que de passage, en touriste, "extérieur" à ce qui s'y passe ? Marseille m'était tout d'abord  apparue figée, presque désoeuvrée : en vain j'avais cherché, autour du touristique vieux-port, une trace de l'ancienne activité dont témoignaient des films débordants de vie, comme si, depuis l'arrivée des premiers Phocéens, tout un peuple s'était mis au travail, avec constance, pendant des siècles,  avec les mêmes frétillements que les poissons dorés dans les paniers d'osier, désormais bien modestes...    Certes, les "points de vue" offerts aux touristes  restaient  impressionnants : la montée à Notre-Dame de la Garde, l'excursion aux îles du Frioul, le quartier du Panier ; mais cela suffisait-il ?

Rue marseille

Où s'était donc réfugié le coeur de cette ville ? Malgré tout son charme, ce n'était pas dans l'oasis de la Vieille Charité, halte splendide :

 

Vieille charite

Et je pestais contre mon statut, qui semblait m'empêcher de comprendre ce que je voyais. Oh, d'un autre côté, je ne comprenais que fort bien, que trop : tenez, le Vieux Port... Eh bien, si vous mettiez la pointe d'un compas au centre du bassin, et que vous traciez ainsi un cercle de 2 km de rayon tout autour, et que vous lâchiez dessus la horde touristique, prendriez-vous la décision adoptée (car il y a forcément eu une décision municipale, à mon sens) qui consistait à ôter à tous ces braves piétons touristiques la possibilité de satisfaire leurs besoins naturels, autrement dit de vider leurs vessies ?

 

Il n'y a aucune toilette publique dans le rayon sus-décrit. Pire encore : les Musées qui jouxtent la Mairie  et la Chambre de Commerce n'en offrent point non plus, ni aucun édifice public  ! Nous voici donc dans le pays des 36 000 normes, et des "bâtiments recevant du public", ailleurs submergés d'injonctions comme d'aménager ici des passages standardisés, là des toilettes pour handicapés, semblent ici curieusement libres de ne point offrir un service pourtant indispensable... Il reste les cafés, mais ces derniers ont  le soin d'afficher, à côté des précieux "petits endroits", la mention que ces derniers sont réservés à la clientèle (payante). Qui a décidé cela ? Le lobby des commerçants marseillais ? A deux euros, premier prix pour un café, cela peut effectivement se concevoir. Mais cela laisse l'impression d'un "racket à la vessie touristique" qui, pour peu onéreux qu'il soit, n'en est pas moins parfaitement désagréable...

Heureusement, de ce point de vue, tout s'arrange dès qu'on quitte la proximité immédiate du vieux bassin. Sans aller bien loin, juste au bout du bout du Port, on accède au luxueux Mucem. Et là, si les commodités sont parfaitement accessibles, elles en deviennent du coup complètement accessoires. Et je me rends compte, en écrivant, de l'iconoclastie qui consiste à parler de ce musée flottant en commençant par là !!!

Qu'il suffise donc que je vous dise que c'est là, pour la première fois, que j'ai cru rencontrer la Ville. Dans ce Mucem flambant neuf, symbole de l'année 2013 où Marseille fut sacrée capitiale culturelle européenne, et où le virage (irrémédiable ?) fut pris de remplacer l'ancienne image laborieuse de la Ville par cette large "ouverture culturelle" sur la Méditerrannée.

J'y perdis instantanément Clopin, rendu fou par le jeu des ombres et des lumières, admiratif devant les matérieux employés,  l'exploit technique et architectural (même si l'on nous glissa, peu après, que les constructeurs avaient peut-être un peu oublié que l'eau méditerrannéenne est salée, n'est-ce pas, ce que n'aiment guère les visseries et autres boulons....). Mais je fus bien moins vite conquise que lui. En fait, au prime abord, le bâtiment m'apparut tout entier comme contradictoire...

(la suite à plus tard, peut-être cet après-midi ?)

 

Les ombres du mucem

 

Premiers pas

Le quartier de Belsunce est traversé par la "rue longue des Capucins", et tous les noms de rue, ici, attestent de la présence passée d'ordres aussi religieux que catholiques. Mais pourtant, les premiers mots marseillais que j'ai entendus ont bel et bien été "salam aleikoum", et "aleikoum salam" ; les rue étroites, ici, forment un refuge pour des hommes seuls,  solitaires et surveillés (merci Gaudin) Solitaire et surveille

 

- et les commerces de fringues en  gros ou  demi-gros, qui précisent sur leurs devantures "pas de détail", paraissent étrangement inoccupés. Comme un Sentier qui serai silencieux... Le quartier doit son nom à un évêque, qui s'est dévoué pendant la peste de 1720. Faut-il rappeler que cette peste   s'est répandue à cause de l'esprit de lucre des échevins marseillais de l'époque ? Il s'agissait de vendre les étoffes rapportées d'orient par bateau à la Foire de Beaucaire. Pas question d'observer la quarantaine : on falsifia donc la réalité, et 100 000 personnes moururent...

Mes premiers pas marseillais étaient donc un peu  à li'image, (la première image !) de ce quartier, et ce n'était pas la présence, dans l'hôtel-auberge de jeunesse où nous résidions, d'un petit troupeau  de (très) jeunes filles anglaises, noires de peau et de vêtements, qui allait m'égayer. Bon sang. Elles ne portaient pas le niqab, on voyait encore leurs visages  et leurs mains (tapotant sur le clavier de leurs i-phones),mais elles étaient cependant ensevelies (à 15 ans !) sous les draps noirs de l'ostentation religieuse. Je ne suis certes pas violente, et respecte la croyance d'autrui, mais j'avais cependant une folle envie de les secouer, ces filles emmoutonnées, de leur parler de toutes ces femmes qui, au maghreb et ailleurs, se battent pour une liberté qui leur est refusée, vraie liberté qu'on ensevelit tous les jours sous ces étoffes religieuses, qui ne proclament, à mon sens, qu'une seule chose : la soumission... Les adultes encadrantes étaient, elles, habillées comme vous et moi. Je n'ai pas eu le courage d'aller discuter avec elles, et puis mon anglais n'est pas assez fiable - et la culture anglaise, frappée de communautarisme, vaut bien le bon vieux racisme ordinaire et franchouillard de mes compatriotes. Mais ma résignation n'était qu'apparente, car je ne pouvais croiser le regard des jeunes filles en noir sans indignation., de même ai-je  sursauté, en comprenant que la libraire que je voyais avec plaisir dans ce quartier populaire n'était pas ce que je croyais, mais bien une officine islamique... Belsunce, quartier d'hommes immigrés,  solitaires et âgés : je prenais grand soin d'en arpenter les rues en tenant la main de Clopin, en marchant au même rythme  que lui, en tenant une place égale à la sienne dans la rue  : ma manière à moi, bien mesquine et inefficace sans doute, mais quoi d'autre ? D'affirmer ma conviction d'une égalité possible, d'une présence féminine librement revendiquée.

Autant en emportait le vent : car le mistral soufflait, comme il sait souffler et comme je le ressentais pour la première fois de ma vie : des bourrasques froides qui sautaient au visage, qui nous attendaient au détour d'une rue, à l'ombre des murs, jusque sur les passerelles qui menaient au Mucem. Marseille subit cette violence, et ses couleurs contrastées en témoignent. Le passage de la lumière à l'ombre est coupant, absolu, vertical. Même le vieux-port,  désormais consacré uniquement au tourisme, car il s'agit d'une sorte de grand parking à bateaux de plaisance, sans plus de vie que la ronde mécanique de la grande roue foraine qui est censée l'animer, même le vieux-port, où nos pas nous ramenaient sans cesse, me paraissait n'être plus l'abri éternel qui avait accueilli, il y a plus de 2500 ans, les marchands phocéens. IL fallait désormais bien regarder, pour voir un peu de l'animation ouvrière dont avait témoignée tant de films... Marins1

 

(à suivre...)

 

 

Une semaine à Marseille

Voilà, ça y était, j'étais à Marseille.

 

Gare saint charles

 

Et bien étonnée d'y être. Mon ignorance de cette ville était (est toujours, mais un peu moins) abyssale. Et ma présence provenait d'une vieille réflexion de Clopin : nous avons pris l'habitude d'aller, au printemps, passer une semaine sans voiture dans une ville européenne. Je crois que c'est à Lisbonne, comme je m'étonnais du côté "méditerranéen" de cette ville atlantique, que Clopin a pensé qu'il était stupide d'aller découvrir des villes étrangères alors qu'en France même, d'autres cités (dont la deuxième plus grande ville de France) nous étaient inconnues...

 

J'étais curieuse et, je dois le reconnaître, pleine de préjugés. Marseille était pour moi une ville braillarde et négligée, surmontée de la plaie des "quartiers nords" dont un livre comme "la fabrique du monstre" témoignait de la violence sociale. Et Pagnol n'était plus là depuis tant de temps...

 

Rien, évidemment, ne s'est passé comme je l'attendais. Et d'abord, cet immense escalier, baroque et aussi impressionnant, à mes yeux, que le pont Charles de Prague : quelle entrée en matière, non ?

Disparition

Disparition

Deux en un...

J'avais gagné, "à la sueur de ma goutte", un dîner au restaurant... Depuis des années et des années, je sers de nègre bénévole à Clopin, et comme il encadre en ce moment  des lycéens d'une section cinéma, j'ai rédigé pour lui une "note d'intention" pour le film qui sert d'exercice de fin d'année. Mais, pour une fois, j'ai assorti mon aide d'une demande de compensation, ahahah ! J'aurais dû le faire plus tôt : ça a marché, et nous voilà partis pour le Manoir d'Archelles, une spendide demeure du 16è siècle, absolument préservée, et qui contient un restaurant plein à ras bord tous les week-ends. La carte est très raisonnable au niveau des prix, et la nourriture bonne et copieuse. Mais cependant, la salle de restaurant est, à mon sens, décevante : déco de table en plastique, serviettes en papier, appliques électriques affreuses, et surtout une "ambiance sonore" insupportable à mes oreilles : en boucle, on entend les variations Goldberg, mais assourdies façon musique d'ascenseur, fallait y arriver mais ils y sont arrivés, pauvre Jean-Sébastien te voilà aussi affadi qu'un camembert sans odeur. Et quand, enfin, on passe à autre chose, c'est une sorte de musique new-age, monotone et creuse, qu'on retrouve dans tous les spas ou salons d'esthéticiennes de France et de Navarre, qui est censée bercer vos agapes. J'en ai marre qu'on m'impose ainsi, dans des lieux publics, des musiques soi-disant "consensuelles". Quand ce n'est pas pire : le médecin très compétent et dévoué de Forges-les-Eaux est régulièrement débordé. Aussi, sa salle d'attente est pleine - alors, autant pour faire patienter les clients que pour préserver une certaine confidentialité (la porte laisse tout passer, niveau son), le médecin met à fond la caisse la radio. Je ne sais pas ce que c'est comme station, mais c'est strident, vulgaire, bourré de pub : un hymne à la laideur, en quelque sorte. Au bout du troisième rendez-vous et malgré la qualité des soins, j'ai baissé les bras et les oreilles, et... j'ai changé de médecin !!!

 

Malgré ces atteintes à l'esthétique musicale, la journée a été particulièrement lumineuse, sur l'estran dieppois :

 

Estran 2

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BRAVISSIMO !

 

Samuel GONTIER de TELERAMA, soyez ici publiquement remercié pour votre LETTRE AU CSA, et ce qu'elle révèle, entre autres, des manipulations télévisuelles " par défaut "(omettre de mentionner la place exacte, sur l'échiquier politique ou syndical, des intervenants d'émissions de télévision publiques,  et présenter ainsi un militant pur et dur  FNSEA comme un agriculteur "lambda"). Un grand nombre  des exemples  cités concernent  le monde rural : c'est parfaitement éclairant sur ce qui se passe !

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