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Deux en un...

  • Par clopine
  • Le 21/04/2016
  • Commentaires (1)

J'avais gagné, "à la sueur de ma goutte", un dîner au restaurant... Depuis des années et des années, je sers de nègre bénévole à Clopin, et comme il encadre en ce moment  des lycéens d'une section cinéma, j'ai rédigé pour lui une "note d'intention" pour le film qui sert d'exercice de fin d'année. Mais, pour une fois, j'ai assorti mon aide d'une demande de compensation, ahahah ! J'aurais dû le faire plus tôt : ça a marché, et nous voilà partis pour le Manoir d'Archelles, une spendide demeure du 16è siècle, absolument préservée, et qui contient un restaurant plein à ras bord tous les week-ends. La carte est très raisonnable au niveau des prix, et la nourriture bonne et copieuse. Mais cependant, la salle de restaurant est, à mon sens, décevante : déco de table en plastique, serviettes en papier, appliques électriques affreuses, et surtout une "ambiance sonore" insupportable à mes oreilles : en boucle, on entend les variations Goldberg, mais assourdies façon musique d'ascenseur, fallait y arriver mais ils y sont arrivés, pauvre Jean-Sébastien te voilà aussi affadi qu'un camembert sans odeur. Et quand, enfin, on passe à autre chose, c'est une sorte de musique new-age, monotone et creuse, qu'on retrouve dans tous les spas ou salons d'esthéticiennes de France et de Navarre, qui est censée bercer vos agapes. J'en ai marre qu'on m'impose ainsi, dans des lieux publics, des musiques soi-disant "consensuelles". Quand ce n'est pas pire : le médecin très compétent et dévoué de Forges-les-Eaux est régulièrement débordé. Aussi, sa salle d'attente est pleine - alors, autant pour faire patienter les clients que pour préserver une certaine confidentialité (la porte laisse tout passer, niveau son), le médecin met à fond la caisse la radio. Je ne sais pas ce que c'est comme station, mais c'est strident, vulgaire, bourré de pub : un hymne à la laideur, en quelque sorte. Au bout du troisième rendez-vous et malgré la qualité des soins, j'ai baissé les bras et les oreilles, et... j'ai changé de médecin !!!

 

Malgré ces atteintes à l'esthétique musicale, la journée a été particulièrement lumineuse, sur l'estran dieppois :

 

Estran 2

L'idée de dieu (pour Chaloux)

Estran 1

Et, grâce au calme, à la marche, et à la contemplation de l'horizon marin, j'ai pu tenter de mettre en ordre mes idées sur la religion. Un internaute de chez Assouline, "Chaloux",  me titille là-dessus, affirmant calmement qu'on ne peut raisonnablement prétendre s'intéresser à l'humain en niant "toute idée de Dieu", qui nous serait indissociable...

Je ne suis pas d'accord.

Georges Bataille, dans "théorie de la religion", affirme que l'animal est au monde "comme de l'eau dans de l'eau", et il a raison, bien entendu. Mais nous avons rompu le pacte ! Nous ne sommes plus, nous les humains, dans le monde sensible comme "de l'eau dans de l'eau", et je crois que c'est notre drame. La conscience de notre finitude est, à mon sens, la pire épreuve qui nous est réservée, à nous humains. Voilà, bien plutôt que la curiosité (féminine, bien entendu) , notre "péché originel" : savoir qu'on est mortel conduit tout droit à se dissocier de la nature, et à tenter de l 'asservir...

 

D'autant que les sciences comme la neurobiologie l'ont démontré : notre cerveau est programmé pour se souvenir des épreuves. Notre mémoire, c'est d'abord la mémoire de la souffrance, et du danger. L'instinct de survie, la perpétuation (et l'effrayante victoire absolue !) de notre espèce est passée par cet apprentissage, cette manière d'assurer notre pouvoir sur le monde. Et ce devait être si pénible qu'à mon avis, c'est à ce moment-là que l'"idée de Dieu" est apparue, et aussitôt adoptée. D'abord parce que c'est une réponse à l'angoisse, ensuite parce que l'idée de Dieu est associée, dans TOUTES les religions, à la négation de notre finitude via la promesse d'une réincarnation, de paradis, de la présence des morts parmi nous, etc.

Bien entendu, on aurait pu se bercer ainsi d'une promesse réconfortante (même si jamais prouvée), sans accorder plus d'importance que cela à cette vague notion mystique. Mais l'"idée de dieu" sert à tant d'autres choses ! Elle est tellement commode ! Songez que, pour gouverner une population humaine, il est bien plus simple et bien plus rapide d'invoquer un "ordre divin" plutôt que de persuader celui-ci, celui-là, qu'il a intérêt à agir de telle manière ou de tel autre... Si une organisation humaine (comme les animales) nécessite une hiérarchie, plutôt que de péniblement, comme nos hommes politiques actuels, devoir prouver que vous avez raison, invoquer Dieu met tout le monde d'accord. Même s'il s'agit de partir en guerre...

Ca m'a toujours épaté, chez les croyants, notamment ceux des trois monothéismes, cette capacité à contourner le problème, à se voiler la face : comment justifier l'idée de Dieu avec les guerres religieuses ? Comment raisonnablement croire qu'un être d'essence divine, qui veut bien consoler l'humanité de sa finitude en échange du respect de son Ordre, vous demande en son nom d'aller péter la gueule du voisin, qui n'a que le tort de croire que l'Ordre divin auquel vous adhérez n'est pas le bon ? L'idée de Dieu contredit formellement, à mon sens, toute velléité de pugilat...

 

Mais là encore, elle est cependant bien pratique : regardez Daech... Les croyants musulmans, épouvantés, voient des hommes partir en guerre en brandissant le même nom qu'eux-mêmes utilisent, cet Allah bon et miséricordieux, sauf qu'ils ont légèrement changé le premier commandement : "Tu ne tueras point", est ainsi devenu "Tu tueras tout ceux qui ne croient pas comme toi", et voici nos guerriers de dieu en guerre contre tout le reste de l'humanité. Ca a au moins le mérite de la simplicité, on ne s'embrouille pas la tête avec qui est pour qui est contre qui est au milieu ! Et puis ça permet de tout justifier, atrocités, barbarie : si l'Ordre divin est celui de la guerre, il s'agit donc de la gagner, pas vrai, sinon autant tuer Dieu lui-même. Donc, aucun scrupule moral ne doit venir entacher la bataille. Et s'il est plus efficace d'utiliser, en guise de catalogue promotionnel, des images de violence barbare, allons-y gaiement et mettons en ligne des décapitations, en même temps qu'on rédige un code de l'esclavage qui doit éclaircir la manière d'utiliser les prisonniers (prisonnières...) tombé(e)s dans les mains des guerriers. Et adoptons bien entendu cette mythologie "guerrière" : car un soldat cherche quand même à préserver sa vie. tandis qu'un guerrier de dieu, lui, doit donner la sienne. Le paradis en sera d'autant plus beau, même si les "permissions", (parce que je pense que les djihadistes ont, comme les autres, besoin de temps à autre de souffler un peu)  doivent en être comme le prologue. Et vu la violence inouïe de cet ordre social, ça doit décoiffer sévère, entre sexe, drogues et assouvissement de tous les désirs, quand les mecs ne sont pas sur le front en train de fabriquer leurs ceintures d'explosifs ou en train d'assassiner les homosexuels (ce qui est toujours jouissif, n'est-ce pas ?).  Daech mêle intimement Eros et Thanatos, sur ordre de dieu. Et vous vous étonnez que de jeunes occidentaux soient sensibles à cette effarante proposition ? C'est oublier que l'occident est vieux, très vieux. Ce que nos sociétés proposent à notre jeunesse est à peu près aussi excitant qu'une tasse de camomille avant d'aller se coucher. Alors que la violence, le sacrifice, la perte de son identité propre dans une foi exacerbée, le sexe et la mort, voilà un scénario de film qui peut diablement séduire... D'autant que n'oublions pas que c'est l'idée de dieu qui sous-tend tout ça...

Moi perso je pense, avec quelques autres, qu'il faudrait savoir jouir de l'instant présent, sans avoir besoin de la consolation d'une vie future. Qu'il faudrait combattre cette fatalité humaine de ne voir que le verre à moitié vide, et d'éprouver  la peur d'avoir soif. L'hédonisme est la solution pour nous permettre de vivre sans avoir (trop) peur de la mort. Et l'hédonisme mène tout droit à l'athéisme. Parce que l'idée de dieu est quand même indissociable d'un nombre incalculable de souffrances que l'humanité, depuis la nuit des temps, s'est inflligée à elle-même... L'hédonisme est l'autre proposition, bien plus cool, à mon sens.  Les djihadistes renouent avec l'effroi primitif, en fait. Mais je suis bien persuadée que, derrière cette idéologie délirante, il y a des hommes sensés, rationnels, intellectuellement éclairés, et qui tirent profit (ou qui cherchent à tirer profit), très concrètement, du chaos guerrier. Des athées comme moi, mais qui manipulent "l'idée de dieu" comme on trait une vache : pour en boire avec délices le lait...

Je sais bien que mon petit raisonnement, bien modeste, ne peut convaincre un Chaloux lecteur de Theilard de Chardin ou autres sommités. Mais j'ai pas mal lu moi aussi, mine de rien. Nietzsche, par exemple...

Je dis ça, je dis rien.

 

Bien entendu.

Commentaires (1)

achach
  • 1. achach | 22/04/2016
clopine
comme vous le dites l'idée de Dieu sert a l'homme à conjurer l'angoisse d'être mortel .
Ce que dit drôlement Woody Allen: Aussi longtemps que l'homme sera mortel ,il ne sera pas vraiment décontracté
Mais dieu est bien pratique pour les fabricants d"idiots utiles" ,ces manipulateurs divers ,souvent ensoutanés, ou salinisés qui s'en servent pour faire accepter sans revolte les malheurs de ce monde et faire supporter sans broncher les misères des destinées individuelles.
d'où sacralisation de la guerre, quelque cruelle qu'elle soit ,pourvu que ce soit une guerre sainte ,d'ou légitimité de la mise a mort sans états d'âme des mécréants, etc...

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