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Julot, le pré et les moutons - 5/3/06

II faut bien reconnaître qu'avec les meilleures intentions du monde, Saint-Exupery a beaucoup nui à la cause ovine : quelle idée, cette histoire de mouflet réclamant qu'on lui dessine UN mouton. UN mouton ! Quelle aberration! Même simplement dessiné sur le carnet d'un aviateur, c'est horriblement malheureux, un mouton tout seul ! (presqu'autant qu'un petit prince sans sa rose...)    N'importe quel berger vous le dira : une vraie vie de mouton, c'est, d'un, de I'herbe, de deux, dès qu'on lève la tête hors des touffes, la vision de l'autre, du semblable à soi, du tout pareil, en train de faire exactement la même chose que vous, au même moment. II n'y a que cela qui rassure vraiment. Hors du troupeau, point de salut. A la moindre alerte, il faut vite se serrer les uns contre les autres, le nez dans la laine et la bonne odeur de son voisin. S'il faut courir, courir ensemble, tous ensemble, quitte à sauter les uns par-dessus les autres comme des athlètes olympiques, au 110 mètres haies !

Donc, DES moutons. Voila qui est dans I'ordre des choses. Des moutons, un pré, et un chien, bien sûr.

A Beaubec, il s'appelle Julot.    

C'est un chien de berger, ce qui signifie déborder d'enthousiasme dès que la barrière du pré s'ouvre, s'élancer en prenant tout juste le temps, au bout de dix pas, de jeter un rapide coup d'oeil en arrière pour bien vérifier les intentions du maître (« C'est bien cela ? Je ne me suis pas trompé ? On va bien aux moutons ? » ), redresser fièrement son panache noir, dont le bout blanc viendra caresser son échine au terme d'un arc de cercle presque parfait, et débouler à toute berzingue, en traversant le pré à I'oblique. C'est un vrai bonheur : le vent aplatit les poils autour du museau, les muscles, les pattes, tout obéit à la perfection dans une course parfaite, et les moutons, comme un seul homme (évidemment), se rassemblent en une masse compacte, tremblante, prête à obéir...    

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