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La montagne (et bêle ?)

  • Par clopine
  • Le 24/10/2016
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J'ai regardé sur france 2, hier au soir, l'émission-moulinette (*) sur Jean Ferrat. Hagiographique, forcément hagiographique, j'y ai quand même appris que notre homme s'est plus ou moins arrêté de bosser à 45 ans, pour se retirer dans un village d'Ardèche et s'éloigner de son engagement politique originel, le Parti Communiste, en adhérant au projet fou de José Bové (pour rappel : construire un nouveau monde altermondialiste en s'appuyant sur le monde paysan) et en râlant, lors d'une de ses dernières prises de parole publique sur la place de son village, contre les électeurs qui avaient à 10 %, voté pour le Front National (il a bien fait de mourir, Jean Ferrat...) 

Certes, l'émission était pénible mais le bonhomme diablement attachant et, si l'on en croit ce qui était dit, resté sincère et "sans tache" (autre que ce foutu attachement au PC stalinisé, attachement qui ne commença à prendre un coup dans l'aile qu'en 1980, bien tard, Monsieur Ferrat, bien tard...).

J'ai surtout commencé à frétiller quand l'écran a rediffusé une émission de 1969, qui réunissait sur le plateau Brassens et Ferrat. Hélas, et évidemment, l'émission ne s'est intéressée qu'à la censure qui s'est abattue pendant  (des billets envoyés par l'Elysée furax pendant toute l'émission) et après le débat sur Ferrat, interdit d'antenne du coup. (je suppose que Brassens ne pouvait plus être censuré, d'ores et déjà, car devenu intouchable à force de talent...)

Pourtant, d'après les bribes qu'on nous a montrées, le "dialogue" (en fait, chacun des hommes s'adressait à l'interviewer) avait porté sur les convictions croisées de "l'anarchiste", l'indépendant Brassens qui ne faisait guère confiance qu'à lui-même, face au communiste Ferrat, persuadé que la lutte collective était la seule voie de salut. Visiblement, les deux hommes se fichaient comme de colin-tampon, ce soir-là, de leur art, mais tentaient d'expliquer leurs positions respectives. j'aurais bien aimé voir l'intégralité du débat, mais las ! Nous n'eûmes droit qu'à l'anecdotique...

Et à la dithyrambe. D'ailleurs, à ce sujet, un doute m'a saisie (non ! Je ne dirais pas qu'il m'habitait ! Na !!!) quant à la première épouse du chanteur. Le documentaire nous la présentait comme "celle qui avait appris le métier à Ferrat", puis qui se plaignait de ne pas avoir eu de succès. On suggérait que c'était par amour pour elle que le chanteur avait cessé sa carrière, mais qu'évidemment, ça n'avait pas arrêté la déchéance de la malheureuse, se suicidant grâce à l'alcool, pendant que le gentil Jean se consolait dans les bras d'une jeunette dévouée et rencontrée sur la place du village (ça ne s'invente pas).

Je ne sais pas pourquoi, mais je me suis raidie devant l'histoire "touchante" qui nous était racontée là. Le soupçon m'a gagnée : et si les textes des chansons, au moins de certaines, avaient été écrits par elle, et non par lui ? Cela expliquerait mieux que l'icônique "garçon pur qui arrête la scène à cause de ses problèmes pulmonaires mais qui est un authentique un vrai" ait ainsi stoppé ses activités, et qu'il n'ait plus guère écrit après la mort de cette première épouse (à 50 ans...)

Bon, je fabule peut-être, mais c'est la faute de l'émission, niaiseuse à souhait. ..

Evidemment, pas un mot d'explication sur la vie en Ardèche de celui qui célébrait tant les ouvriers d'usine : pourtant, c'est bien là, en pleine nature, qu'un type un peu sensible peut trouver sans trop renier son origine ni ses engagements la beauté qui fait tant défaut dans la vie laborieuse des petites gens. Le village ardéchois était splendide, la forêt le sertissait, les frondaisons d'automne étaient de la beauté pure...

Nul doute qu'avec 20 ans de plus au compteur, Ferrat le compagnon de Bové aurait fini écolo !

 

(*) : le saccadé des phrases, la liturgie sentimentale, les prises de vues sempiternelles (fenêtres éclairées se découpant dans la nuit, jardinsoù des chaises de fer s'encombrent de feuilles mortes, suspens foireux  du type "le tournant de sa vie causé par un lourd secret" - et on apprend qu'il est sorti avec une jeunette, etc. : l'émission sur Ferrat était si interchangeable avec n'importe quel magazine de ce type, qu'il soit consacré aux faits divers, à l'actualité des stars ou au sport, qu'on avait peine à la regarder, même si l'on était curieux du chanteur dont tout le monde connaît au moins "la montagne" et "ils étaient vingt et cent" en passant par "ma môme elle joue pas les starlettes". J'appelle ça les émissions moulinettes, parce que le spectateur, réduit à un tube digestif, n'a d'autre rôle que de recevoir la pâtée saucissonnée qui lui est servie là.

 

 

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