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Bien sûr, mon désengagement militant auprès de la Fédé n'en a pas pour autant amoindri mon intérêt pour les idées et les convictions qui étaient agitées là. Passant ainsi de l'anarchie au féminisme, puis à l'écologie, je me rends bien compte qu'on pourrait m'accuser de Bouvardetpécuhettisme - je ne serais certes pas la seule -mais je ne crois pas que c'était le cas.

Je tâtonnais, ça, c'est sûr, d'autant que je ne disposais pas du corset universitaire - qui certes rigidifie les pensées, mais qui permet néanmoins de se tenir droit. Mais contrairement aux héros flaubertiens, je conservais soigneusement, à chaque étape, ce qui m'avait nourri à la station précédente. J'étais en réalité une éponge, tendue vers tout ce qui pouvait à la fois m'expliquer le monde dans lequel je devais vivre, et me donner l'espoir de me bâtir autrement que ce à quoi j'étais destinée. Echapper au déterminisme, cela avait à voir avec le refus de la violence de la discipline.

ca donnait un drôle de mélange dans ma tête, qui aurait pu m'acculer à confusion, si je navais pas quelques solides garde-fous. Et d'abord, la conviction que toutes les théories, toutes les opinions, tous les soubresauts intellectuels se fracassaient contre la réalité. Aucune des théories si intelligentes du dix-neuvième siècle n'avait réussi à façonner le monde autant que la volonté d'un capitalisme triomphant - ça n'était pas les stériles terrils, (qu'on finirait bien par prendre pour des témoins religieux tels des pyramides), qui allaient me contredire. Pour remonter moins loin, pendant que je m'approchais, fascinée et démunie, du monde magique des idées, le moindre programmateur informatique préparait mon avenir - et j'ai moi-même participé, lors de petits boulots à la DDE où il s'agisait de comptabiliser le trafic routier, à l'encombrement du monde sensible auquel j'appartenais : il fallait doter la terre  d'infrastructures routières aussi pratiques qu'arides -  contre-vivantes : la palme, dans le genre, revenait sans doute aux parkings de supermarché.

Cette prise de conscience, cette révolte, a toujours sous-tendu mes prises de position. J'étais à la fois persuadée que seul l'individualisme issu de l'humanisme était supportable, en l'état, mais que cette indivudualisme me rendait paradoxalement si dépendante d'un univers collectif mortifère que c'en était pitié. J'ai écrit il y a quelque temps que Kukas avait eu une sacrée prescience, en assignant à l'homme du futur - foetus intergalactique - du film 2001 l'odyssée de l'Espace, un destin lié à un "monolithe noir" qui ressemble furieusement à un de nos portables. Nous ne le savions pas encore, mais tous nos soubresauts politiques ne faisaient pas le poids, devant la marche inexorable de ce que d'aucuns appelaient "progrès", et qui ressemblaient au fourmillement mortifère d'une termitière détruisant son propre écosystème.

 

Quoi qu'il en soit, si je relativisais les théories libertaires qui me séduisaient tant (et d'autant plus que, restées inexpérimentées, elles n'avaient pas eu le temps de prouver ou d'infirmer leurs vertus), je n'en conservais pas moins "mes trois A" : l'anarchie, l'altérité, l'altruisme.

L'altérité était sans doute la cheville ouvrière qui pouvait relier le féminisme à l'anarchie : contrairement aux fascisme d'extrême-droite, auquel il est parfois associé, le mouvement libertaire garde toujours, précieusement, le sentiment de l'existence et de la dignité de l'"autre". Ce qui sous-tend également, dans une perspective humaniste et universaliste parfaitement illustrée par un Condorcet, les combats féministes...

 

(la suite à plus tard...)

 

 

 

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