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La liste...

Tombée dans le tonneau Netflix, je suis désormais les séries américaines - il faut dire que Clopin, devenu accro à Breaking Bad, insiste largement pour que je partage cette nouvelle passion- et qu'il y a, ma foi, quelques solides arguments qui penchent en la faveur de ces sortes de feuilletons (façon "les Trois Mousquetaires") revisités : le format permet d'installer des problématiques psychologiques qui peuvent enfin se déployer , et parfois même le vieillissement des acteurs est prévu et légitimé par la durée du récit,  comme dans "Dowton Abbey", série non US mais néanmoins répondant parfairtement au cahier des charges du genre. On ne peut que constater le rôle de "pare-feu" que ces séries jouent face aux "blockbusters" qui vous envoient  des scènes d'action bombardant 20 images/secondes, dans un mode qui s'apparente à un shoot répété par intraveineuse...

Le mode narratif de la série a cependant ses limites : je m'en aperçois en avalant, épisode après épisode, "Orange is the new black".

Cette série a normalement tout pour me plaire : le sujet (ça marche comment, une prison de femmes américaine ?), le propos sous-tendu (ouvertement pro-gay), le mode de traitement (chaque caractère possède ses deux faces d'ombre et de lumière, mais disons que le regard qui est porté là est globalement plutôt bienveillant voire affectueux).

N'empêche qu'il y a là quelque chose à quoi je résiste, et je n'arrive pas à savoir quoi, exactement. 

 

J'ai d'abord incriminé   une sorte de  complaisance : il y a beaucoup de scènes de cul et les propos sont d'une vulgarité insensée. Mais si l'on réfléchit que cela se passe dans une prison, cela devient plus crédible. Certes, on peut toujours soupçonner qu'il s'agit ainsi de racoler les spectateurs friands de gros plans "érotiques" et ricanant devant un vocabulaire osé... Mais en tout cas, ce n'est pas l'origine de mon malaise : mon recul ne vient pas d'un sursaut de morale effarouchée.

Je vais sans doute trouver l'origine de mon recul avant la fin du visionnage  - car j'irai jusqu'au bout, étant donné que l'addiction marche en plein, évidemment !

C'est marrant : en regardant cette série, je n'ai pas pu m'empêcher de penser à une des internautes les plus perfidement pleines d'humour, souvent ravageur,  que je fréquente sur facebook : Nicole Garreau. Le personnage qu'elle fabrique et met journellement en avant a beaucoup de points communs avec les héroïnes principales (disons parmi les détenues blanches) de la série : la jeunesse "tourmentée" avec le tutoyage de la délinquance, la nature addictive aux substances psychotropes, la gay attitude et le sentiment de solitude caché sous les gros sabots de la dérision (elle joue un rôle de "dictateuse" dérisoire et sentencieuse...) 

Je ne sais évidemment pas si la "vraie" Nicole Garreau est comme cela : mais telle quelle  apparaît sur internet, elle pourrait facilement appartenir à la tribu déjantée que Piper Chapman est en train de commencer à préférer à sa "vraie" famille (j'en suis à la saison trois, et si j'étais les scénaristes, j'inventerais bien un "choix" final de Piper de rester en taule !)

 

Ce qui est drôle aussi, c'est qu'on apprend plein de trucs sur les prisons -et donc la justice- américaine, qui semble être une Dame qui propose des Deals aux criminels, ce qu'on a du mal à imaginer vu de France. J'ai appris aussi que, pour recevoir des visites, les détenues inscrivent des noms sur des listes, qui permettent de filtrer les visiteurs. Cette sorte de liberté accordée aux détenues - liberté parce que ce sont donc elles qui choisissent de recevoir qui bon leur semble, au final- m'a bien entendu fait divaguer ...

 

Admettons que je sois coffrée dans une geôle effrayante  et souvent sordide, quoique  néanmoins pleine d'humanité. Qui insrirais-je sur ma liste d'invités ?

La question est moins simple qu'il n'y paraît : car cette inscription implique d'une part, de surmonter la culpabilité (faire venir des gens rien que pour vous voir, alors que vous ne méritez sûrement pas le souci et la perte d'énergie, sans compter l'effroi et le malaise, que représente une visite en prison), d'autre part, de se reconaître comme dépendante (puisque vous avez si besoin de les voir que vous n'hésitez pas à leur demander de venir). Cette liste répond donc à la question : "qui est suffisamment important pour moi, et moi pour lui, pour qu'il  accepte de subir cette épreuve ? Qui m'aime assez, et qui j'aime assez, pour cela ?"

C'est effrayant : après quelques minutes à ruminer, je n'ai trouvé que trois noms à inscrire sur ma liste...

Mais il est vrai que je ne suis PAS en prison, sinon, peut-être, celle de ma solitude : mais cette dernière est librement choisie, et c'est un des choix les plus doux...

 

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