Un monde bâclé

Bien entendu, le pire est qu'on s'y habitue. Non, le terme "habitude" n'est pas le bon : disons que l'usure émousse notre empathie - ma première pensée, après Berlin, n'a pas volé vers les victimes, mais  a été "à qui le tour maintenant ?", tant nous avons finalement accepté que la question ne soit plus "pourquoi ?" mais "où et quand ?".

Après Charlie, je n'avais pas eu de "première pensée" : juste une horreur qui m'avait prise à la gorge, bien enfoncée, et dont j'ai goûté si journellement l'acidité qu'elle est désormais incorporée à la texture de ma vie quotidienne.

L'impression, aussi, d'avoir à transmettre un monde bâclé. Je suis d'une génération utopiste, secouant gaiement les interdits d'antan,  qui était  prête à aller danser sur des décombres de mondes anciens . Et voici tout ce que ma génération a su transmettre : uen planète à la dérive, une fin de civilisation rougeoyante, et toutes les idées que je combattais devenues prépondérantes.

La nature, avec son immoralisme et ses lois fondamentales, ne bâcle pas, elle. Comment, pourquoi l'être humain se sent-il affranchi de ces contraintes-là, qui sont sa vie même ? Eh bien, la nature se fout particulièrement de cette derières  question, et de nos pitoyables tentatives de réponse.

 

Et cette absence d'intérêt est peut-être la seule chose réconfortante à laquelle se raccrocher : au moins, cette indifférence est l'inverse de la damnation (que nous avons pourtant si abondamment méritée).

 

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