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Voilà l' été ?

Mon ami parisien, Jacques Barozzi,  se démène tant et plus : il vient de publier ceci, au Mercure de France :

 

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C'est un savoureux choix de textes autour du thème, mais hélas... Jacques a beau y mettre du sien : ça ne fait pas revenir le soleil...

Pourtant, la lecture des extraits (surtout celui de Giono, d'une ampleur lyrique qui fait remonter chez moi, à chaque fois, comme des réminiscences virgiliennes !) m'a ramenée à quelque dix ou quinze ans en arrière. Moi aussi j'avais célébré l'été, cette année-là, à ma manière bien sûr...

 

Voici :

Le cahier d’été

 

Cette année-là,  ce serait du solide. Du sérieux. Le cahier en attestait : pas moins de 132 pages, format 21 x 29,7, petits carreaux, couverture plastifiée,  grammage à  120. Puisque le clavier azerty allait rester près de l’ordinateur,  autant voir large.  132 pages, voilà une ambition  avec de la tenue, en  trois semaines d’été…

La résolution était prise : il serait posé là,  à sa place, sur la table du jardin, dès la fin du petit-déjeuner. Ou, à la rigueur, emporté près de la rivière : les larges pierres bossuées  où l’on étalait les serviettes, pendant les parties de baignade,  lui serviraient d’assise.  Ou encore il serait placé dans le panier du vélo, afin d’être utilisé sur les tables des cafés,  pendant les pauses que l’on s’accorderait, au village, en attendant le retour du marché de l’un,  la fin de la promenade de l’autre, ou l’arrêt des tours de manège des deux petits…  

 Mais en tout cas, pas une journée  sans en noircir les pages, sérieusement, et avec de la littérature, s’il vous plaît.  Peut-être pas les 132, en fait. Mais au moins 10… 8… disons  5 par jour…

Hélas, en tout et pour tout, ce furent  trois  pages seulement  du beau cahier sérieux qui  furent remplies. Et encore. Sur la première, on pouvait voir une liste de courses, qui s’égrenait ainsi :

  • 2 kilos de pêches
  • 2 kilos de tomates
  • Chips
  • Glaces à la fraise

Sur la seconde, deux enfants avaient colorié un magnifique dessin, une sorte de couple improbable où un Goldorak  piétinait un monstre assez indéterminé, mais plein de couleurs, avec des zébrures rouges et un gros soleil jaune, dans le coin à droite. Le cahier se souvenait fort bien de l’après-midi où les enfants s’étaient emparés de lui : on n’avait pas pu aller se baigner, cette fois-là…

Quant à la troisième, il y était indiqué, de biais sur la page, d’une grosse écriture ronde qui prenait une large place, qu’on était parti pique-niquer près de la retenue d’eau, et  que, si par hasard l’envie prenait le lecteur de venir se  joindre au groupe, qu’il n’oublie surtout  pas d’apporter une bouteille de rosé…

A  la fin de l’été, le cahier, oublié sur la table du jardin, n’était plus feuilleté que par le vent, qui en tournait les pages…  Et le vent  faisait  naître ainsi  un petit bruissement  narquois, empli de l’écho des rires et des « ploufs dans l’eau », du goût des fruits  mûrs et du balancement paresseux du hamac, un petit bruissement joyeux et satisfait, qui se moquait bien  des  cahiers d’été, des sérieuses résolutions, et de la littérature.

 

Clopine Trouillefou

(Chamborigaud, au bord du Luech)

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L'été, quoi.

 

 

Commentaires (1)

Jibé
  • 1. Jibé | 18/06/2016
Savoureux !
Mais je crois que l'on écrit bien sur l'été... en hiver : ton petit texte n'annonce t-il pas déjà les feuilles mortes de l'automne ?

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