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O saisons, ô châteaux...

  • Par clopine
  • Le 29/03/2017
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Encore un mois de mai, un mois de juin, qui fleuriront sans moi. C'est un des crimes, je trouve, que notre société commet à l'égard de ses enfants : les enfermer, dès l'âge de trois ans jusqu'à la retraite, loin du printemps.

Et c'est ce que je ressens douloureusement - de plus en plus, au fur et à mesure que le sablier laisse échapper mon espérance de vie- depuis 1968. J'étais ce printemps-là  une fillette désoeuvrée et libre, pour la seule et unique fois de mon enfance. J'ai passé le mois de mai, une grande partie de celui de juin, à me promener (jusqu'à  ce qu'un voisin "bien intentionné" n'alerte ma mère sur les kilomètres qui me séparaient de la maison, soupir) cette année-là : j'ai absorbé, à la manière animale et non réfléchie, le vert tendre des feuilles qui se déployaient, le soleil sur les chemins, le parfum des sous-bois et l'allégresse générale du printemps. Mon amertume à devoir passer ma vie loin de cette fête annuelle n'en est que plus grande : certes, je vais retrouver le printemps dès que je n'aurais plus l'obligation absurde d'aller m'enfermer tous les jours - mais je serais, moi, dans mon automne...

J'ai employé le mot "crime", qui peut paraître sans doute exagéré. Je le maintiens cependant, car enfermer les enfants loin du printemps -loin du printemps quotidien j'entends, de la surprise, du soir au matin, de voir s'épanouir la rose, pousser l'herbe, fleurir l'églantier et se dérouler la fougère - c'est donc les enfermer loin de leur propre floraison.

IL a fallu mai 68 pour que je goûte à cette ivresse, pour que je la moissonne et l'engrange, sans même m'en apercevoir. J'en ai gardé toute ma vie la nostalgie. Et ce n'est pas l'hirondelle aperçue ce matin, juste avant que je ne monte dans ma voiture et me rende dans mon triste bureau, qui me contredira...

 

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