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Pas de printemps pour D.P. ?

  • Par clopine
  • Le 28/03/2016
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Il arrivait à JIm et Clopin de citer le nom de Dominiqu P., dans leurs conversations, et le plus souvent avec une certaine considération. Ceci, joint à quelques photo d'albums où l'on voyait les compères, encore très jeunes, promener de longues figures sérieuses, façon "jeunes philosophes se mettant en scène pour la postérité", avait contribué à faire de D.P, pour moi, une figure à la fois un  peu mystérieuse et lointaine. C'était un "copain perdu de vue", dont on savait juste qu'il était devenu un scientifique au service du Savoir avec un grand S., et qu'il avait, dans sa jeunesse, fait les 400 coups soixante-huitards. Mais qui il était vraiment, quelle était sa vie, ses amours, ses passions - ça, je ne posais pas la question, puisque j'avais intégré que ce ne serait jamais une mienne connaissance.

 

Et puis les détours de la vie ont amené ce même D.P. à Beaubec, ce dimanche de Pâques. Sacrebleu : cela devait faire la seconde fois, en quarante ans au bas mot, qu'il y mettait les pieds. Sa figure, que je ne connaissais guère que par les photos et deux ou trois rencontres fortuites entre Jim ou Clopin et lui, au détour de rues rouennaises, était restée aussi longue que dans mon souvenir. Mais le temps avait greffé des traits quelque peu gaulliens à ce profil-là.

 

D.P. a dû reprendre le fil là où il était brisé, et donc nous "raconter sa vie", à grands traits bien sûr. Et rien de ce qu'il racontait ne correspondait aux quelques divagations que j'avais accrochées à son nom. Sa vie s'était déroulée à l'ombre exclusive de son travail (sa passion pourrait-on mieux dire), c'était quelqu'un dont la formation intellectuelle scientifique, évidente, l'amenait à être tout factuel, sans analyse psychologique ni surtout sentimentale, quelqu'un qui, disposant désormais, après une vie professionnelle menée jusqu'à la dernière limite (65 ans), de loisirs que la continuation désormais bénévole de sa passion ne remplissait pas tout-à-fait, tentait de renouer des contacts : bref, un homme certes intéressant, mais "une vie comme une autre"...

Ce n'est donc pas de la déception que j'ai ressentie, ça n'irait pas jusque là, mais comme une sorte de curiosité rétrospective et... près d'être éteinte aussitôt que née. Les quelques phrases assez amères sur la gent féminine, l'exclusivité de cet homme sur son tout jeune fils (12 ans...), son autocentrisme m'ont très vite amenée à "changer de focale" : le D.P. qui était devant moi n'avait rien de féministe, au contraire. Quelle idée de revendiquer que son fils "ne fasse pas de bisous, car quand on est un homme on n'en fait pas" (???), quelle horrible réflexion de dire à son fils "que tout ce qu'il avait de bien, ça venait de lui, son père", et quelle incapacité à rire d'une ou deux blagues que j'ai osé lancer, et qui pourtant étaient, à vrai dire, assez drôles...

Et puis je me suis reprise, sur cette sévérité que je sentais monter en moi envers le vieux copain retrouvé de Clopin. Qui suis-je pour juger ainsi autrui ? Et surtout, je n'ai pas connu D.P. dans son printemps : peut-être aurions-nous sympathisé "tout de même" ? Peut-être est-ce la vie qui a durci, en même temps que  ses traits physiques s'amollissaient, un caractère peut-être enjoué et ouvert, autrefois ?

 

Et peut-être suis-je à mon tour trop vieille pour accepter, sans morale, de rencontrer quelqu'un de vraiment très différent de moi...

 

Allez, pas de printemps pour D.P. ne veut pas dire que je ne luis souhaite pas un bel automne. Et un fils toujours aussi aimant à ses côtés !

 

 

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