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Combien de « T », dans Télérama ? Un, deux, trois ???

La journée d’hier, bousculée, tirée à heu et à dia entre plusieurs contraintes contradictoires, ne me laissait guère espérer être devant mon poste, à 22 h 05 pétantes. Pourtant, j’y étais, étonnée certes d’être là, avec un petit arrière-plan de remords (j’aurais d^u être ailleurs, certainement) mais bien décidée à en profiter !

Faisant partie de la grande tribu des « gouldeusiennes », j’avais tout pour être une téléspectatrice comblée. Une signature, Monsaingeon, évoquant un travail ému et rigoureux (je me souviens d’un Pablo Casals plus que pertinent).   Des archives inconnues, des citations provocatrices tirées du Journal de Glenn Gould (ah ! Les poils blancs de sa chienne sur son premier pantalon de concert !), et quelques rediffusions de Bach où le génie des deux hommes, l’auteur et l’interprète, vous empoigne comme un vent d’octobre, violent et suave à la fois…

Tout pour être heureuse…

Et pourtant, non. Le reportage m’a déçue. Pas Glenn, non, ni les quelques témoignages de ses pairs. Même pas, à y réfléchir, les interviews des quelques « fans » éperdues,  robustes sexagénaires ou japonaises encore émues, toute prêtes à mourir pour lui (comme moi !)

C’est plutôt l’absence de clé, de regard critique sur l’homme et l’œuvre qui m’ont troublée. Oui, certes, Glenn était un génie. L’écouter, c’est prendre le risque de la rencontre véritable, celle qui peut faire tourner une vie comme le vent d’ouest la girouette au-dessus de la cheminée…

Mais rien qui nous dise pourquoi, exactement.

Je n’aime pas les hagiographies, et du coup, malgré l’intérêt des documents présentés, le mien allait s’affaiblissant.

Je crois qu’en fait, j’attendais une analyse du travail de Glenn Gould, et que ce n’était pas le sujet de l’émission.

Je ne suis qu’une béotienne, qu’une auditrice lambda, sans aucune compétence. C’est pour cela que j’aurais bien aimé entendre de plus savants que moi s’exprimer.

Si j’aime Glenn Gould, c’est à cause de son impertinence. Un Jean-Sébastien Bach est un tel monument qu’à part retirer sa casquette, et se poster dans l’attitude mentale de la génuflexion, il semble qu’il n’y ait rien à faire. L’orgueilleux Glenn Gould se fiche comme de sa première chemise d’une telle révérence Il  joue les morceaux les plus sacrés à toute vitesse, à toute berzingue, comme un homme qui a un train à prendre. Et s’attarde, comme à plaisir, sur toutes les mesures  qui d’habitude sont laissées dans l’ombre. Les articulations, les passages d’un moment mélodique à l’autre, les ponts et les gués. Il porte à la lumière la plus petite dissonance, l’expose… Et se joue en riant de la brillance habituelle.

Bref, j’ai l’impression que  ce type-là joue.

Avant de jouer « du piano »

Quand on est capable de  jouer  « avec » Jean-Sébastien Bach, quand on prend cette radicale et féconde liberté, c’est que son rapport à l’œuvre est si intime, si total, qu’on se l’est approprié. Et l’aria des variations Goldberg, interprété avec une infinie douceur par Glenn, rappelle que son art est tout, sauf du « procédé ».

Je rapprocherais donc, c’est osé mais faut oser, l’art de Gould dans Bach à l’art de Proust dans la métaphore. La maîtrise amenant à la liberté, la liberté à l’insolence, l’insolence à l’intelligence et l’intelligence à la sensibilité ultime.

C’est cela que j’aurais voulu voir discuter dans le reportage. Ai-je raison ? Ai-je tort ? L’art de Gould est-il tout autre chose que ce que j’y vois, que j’y entends ?

Au lieu de cela, entendre, en litanie, que Gould est un Dieu, et « gould for you »…

Déception, donc. Mais il existe peut-être, quelque part, des séminaires sur Gould, on l’on vous explique, l’on analyse son art. Et peut-être, un jour, quand j’aurai fait fortune… Quien sabe ?