L'homme aux tricots

Cette nuit, le printemps a commencé. Et j'ai fait le rêve suivant :

 

Une grande salle était en préparation : un marché allait avoir lieu. Et je devais y participer - j'avais des livres à vendre. Je ne sais si c'était des livres que j'avais écrits, des livres qui m'appartenaient ou des livres dont je devais simplement faire commerce : je devais trouver l'endroit où m'installer pour les vendre, c'était cela l'important. D'autant que le premier stand auquel je m'adressais me refoulait. C'était J.D. (l'historien qui intervient dans le documentaire, dans la vraie vie)  qui m'expliquait qu'il n'y avait plus de place, puisque ce stand était celui de l'éducation nationale : je devais en trouver un autre.

J'arrivais alors dans un endroit beaucoup plus humble, où une femme inconnue m'accueillait aimablement : oui, ici, je pourrai m'installer, me disait-elle. Mais, contnuait-elle en soupirant, il ne fallait guère que j'espère vendre  quoi que ce soit, et surtout pas des livres ! L'endroit était consacré à une sorte de "fourre-tout", et les quelques rares  clients venaient surtout pour aheter des légumes, que la femme était d'ailleurs en train d'installer...

Je cherchais cependant l'endroit le mieux placé pour moi, quand "il" entra dans le grand hall bétonné et froid qui servait de cadre à mon rêve. "IL" : j'ai su tout de suite que c'était vers lui que mon rêve me menait. Et c'était une brute. Un homme très grand et très large, dont je n'arrivais pas à saisir le regard, et qui répandait autour de lui une sorte d'onde glacée. Je savais que cet homme avait commis des crimes, et qu'il s'en réjouissait ! Et qu'il n'avait aucune crainte, aucune peur : rien ne lui arriverait, à lui. L'homme s'est installé dans le stand à côté du mien, et a commencé à aligner, sur son comptoir, des pulls. C'était sa couverture, me suis-je dit aussitôt : il fait semblant de vendre des tricots...

Je ne voulais pas de lui : il m'inspirait une répugnance infinie, et je devais le combattre... J'étais en colère, et je devais faire quelque chose. Alors j'ai attrapé la pile de tricots qui attendait son tour, et je suis partie en courant : dans un coin de parking, à côté de la béance d'une ouverture d'escalier, j'ai laissé tomber les tricots par terre : histoire de bien montrer que je n'avais pas peur de lui, et que je méprisais son commerce.

Mais je savais qu'il s'en fichait absolument. C'était pour moi, pour me surveiller, qu'il était venu au marché. Il allait juste s'emparer de cette histoire de tricots pour justifier ce qu'il allait me faire, et qui était horrible, je le savais par avance... J'avançais néanmoins vers lui, quand je me suis retournée  : derrière, dans le coin de parking, une mère et ses enfants contemplaient les pulls et les écharpes étalées par terre. Et une petite fille étendait déjà la main...

J'ai crié "stop ! Ne touche pas à ça !" Mais c'était trop tard. Et me voici en train d'attraper une cagette, de discuter avec la maman pour tenter de lui faire comprendre que ce n'était pas une bonne idée de porter ça - et je ramassais les pulls, les disposais dans la cagette : je savais qu'il fallait que je les rende à  la brute, même si cela ne changeait rien pour mon sort, qui était déjà scellé... La femme n'était pas d'accord, c'était une femme qui ne comprenait ni ce que je disais, ni qui j'étais, elle pensait que les pulls étant par terre sa petite fille avait eu raison d'en prendre un, elle me rejetait car je ne pensais pas comme elle, et moi je me dépêchais, vite vite, il fallait que je rende sa marchandise à la brute, sinon quelque chose de terrible allait se passer...

Je revenais près de la brute malfaisante et humblement, je lui rendais la cagette. Il souriait méchamment, ses yeux étaient vides, il ne me regardait pas mais contemplait les pulls. Il en a sorti un de la cagette, et, se retournant vers moi, m'a sèchement interrogée : "Quelqu'un d'autre que toi a touché ce pull. Dis-moi qui c'est - de toute façon, je saurai qui c'est..."

C'était si effrayant que les gens se sont rassemblés autour de  l'homme et moi, pressentant qu'il allait se passer quelque chose.  J'aurais dû me sentir protégée, mais je savais qu'il n'en était rien. On pouvait bien être des dizaines face à l'homme aux tricots : c'était lui qui avait le pouvoir.

Je devais parler, mais ma bouche était si sèche que... je me suis réveillée.

Le rêve était encore tout autour de moi, mais je pouvais mettre des mots dessus. Parce que je venais de rencontrer ma mort...

Ma mort est un homme aux tricots.

Cela pourrait-il m'étonner ???

 

 

 

Commentaires (4)

Oratorio
  • 1. Oratorio | 25/03/2016
Content de vous savoir en ligne de nouveau. Bravissimo!
Sergio
C'est pas mal, au moins on aura chaud...
JACQUES CHESNEL
  • 3. JACQUES CHESNEL | 20/03/2016
j'avais oublié de mettre mon nom
JACQUES CHESNEL
  • 4. JACQUES CHESNEL (site web) | 20/03/2016
très chouette texte, Marie-Clo, bravo... avec bises

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