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Point si naïve...

  • Par clopine
  • Le 12/05/2016
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Il était temps de quitter Marseille, que j'inscris donc  désormais, sur la liste des "villes où j'aurais pu habiter", à côté de Venise, Quimper ou Prague (mais pas Paris !). Peut-être ce choix peut-il faire sourire : mais je ne suis pas si naïve  -  je ne sais si mon séjour aurait été le même si j'avais été une touriste disons marocaine, ou algérienne,  ou  si mon teint avait été un tant soit peu basané...

...

Mon livre de chevet était celui de Pujol "la fabrique du monstre", et je n'ai pas poussé mes pérégrinations, c'est vrai, dans les quartiers nords, ceux-là même où, d'après le Maire, tout ne va pas si mal, puisque, n'est-ce pas : "tant qu'ils se tuent entre eux"... Ce cynisme n'est pas le mien, mais il est sûr que cette violence-là, causée AUSSI par le clientélisme et la corruption qui gangrène la classe politique des Bouches-du-Rhône, ne rend pas Marseille spécialement attirante. Et ce n'est pas la boutique de l'OM, en plein centre ville, ni  les avis des cafés qui répètent  à l'envi  qu'"ici, les matchs sont visibles en direct", qui pourraient me pousser à m'installer : disons que cela me laisse froide...

Alors quoi,  si l'on met de côté  la gentillesse constante qui a accompagné nos pas ici ?

 

Eh bien, malgré le froid auquel la normande que je suis ne s'attendait pas, malgré  le désordre des rues (une seule journée de grève, et la ville entière semblait jonchée d'ordures...),  malgré la tension parfois palpable (sur la place Jean-Jaurès, à côté du cours Julien, il est quatorze heures, des gamins  trottinent  devant la fontaine, des gratteurs de guitare posent leurs culs sur les rebords des trottoirs et y vont de leurs accords vigoureux, une dame promène son chien,  tout semble bien aller et puis voici qu'un type tangue et éructe, lance violemment sa bouteille vide qui atterrit pile aux pieds des minots, et voilà que la large place circulaire me donne l'impression de rétrécir à toute vitesse, de tournoyer sur elle-même en laissant voir  la violence sociale à peine  enfouie, comme un jet de pierre,  tombant dans l'eau dormante d'une mare, trace à l'inverse  des cercles concentriques d'herbes verdâtres et  fait remonter des  remugles d'eau moisie...), malgré la rectitude des imeubles de Pouillon reconstruits après guerre, qui  n'invitent pas à la rêverie dirons-nous, malgré leurs beaux matériaux et leur emplacement choisi, qu'est-ce qui fait que Marseille m'a touchée ainsi en plein coeur ?

Les cortèges syndicaux  qui manifestaient cette semaine-là, par deux fois, n'étaient certes pas si différents de ceux auxquels j'aurais participé à Rouen, si je n'étais pas partie...

Mais il y avait ici une vibration, une énergie, qui m'attiraient, qui m'attire. Mon bout de campagne, là haut, est si paisible, si "endormi", si épais aussi. Marseille, elle, gueule peut-être, gronde et souffre,  mais elle est vivante, peuchère !!!

 

Faut que ca pete

 

Et puis comment oublier  la mer, n'est-ce pas, "toujours recommencée", vers laquelle nos pas nous ramenaient toujours ? 

Mais je crois que ce qui  a pesé  le plus dans la balance de mon attirance, ce  qui peut faire  rêver comme rêvaient sûrement Gyptis et Protis, c'est le ciel de Marseille. Ce bleu éblouissant et dur, qui rend les pierres terrestres, par contraste, blondes comme le plus fin des sables, ce bleu profond, azuré, qui n'a rien à voir avec le bleu laiteux qui chapeaute l'ardoise grise des maisons de chez moi, celui-là, il n'y a que là, à Marseille, que je l'ai vu : et ce bleu outrepasse sa condition, ce n'est plus une couleur, c'est un drapeau, qui claque comme  une chanson -  et  pendant que je vais reprendre mon train à la gare Saint-Charles,  je vous laisse deviner laquelle.

 

FIN (mai 2016)

 

 

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